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nous est vraiment nuisible et quel dommage il peut porter à nos exportations aux États-Unis.

Nous avons exporté en ce pays, en 1888, pour 382 millions de marchandises, et, en 1889, pour 400 millions. Ces exportations se composent surtout de soieries, tissus, passementeries et rubans, de lainages, de tissus de coton, de bimbeloterie, de vins, etc. Les tissus de laine et quelques cotonnades sont frappés, par le nouveau tarif, de surtaxes très élevées, mais il n’en est pas de même pour nos soieries, qui composent la majeure partie de nos expéditions en Amérique, et surtout pour les articles de Paris et les vins. Les aggravations du bill Mac-Kinley ne nous atteignent donc que très faiblement par comparaison avec le traitement qu’il fait à l’Angleterre pour ses lainages et ses produits métallurgiques, ainsi qu’à l’Allemagne, qui avait pris l’habitude de vendre en moyenne chaque année à l’Amérique pour 400 millions de francs de marchandises médiocres, mais de très bas prix, pour lesquelles une surtaxe de 50 à 100 pour 100 équivaut à une prohibition presque absolue.

Au cas où, persistant à croire que le congrès de Washington a construit contre nous son tarif, nous voudrions user de représailles en portant ailleurs nos achats de marchandises, il nous faudrait prendre garde que nous avons un très grand besoin de tout ce que nous vend l’Amérique, et que ce qu’elle nous vend est déjà très fortement taxé à l’entrée dans nos ports.

En 1888, nous avons importé des États-Unis pour 269 millions de marchandises, et, en 1889, pour 320 millions, dont 138 millions de coton, 72 millions de blé et 33 de pétrole. L’Egypte et l’Inde donnent du coton, la Russie et l’Inde du blé, et on pourrait faire venir du pétrole du Caucase ; mais si nous voulions nous en tenir désormais à ces lieux de provenance, nous risquerions fort d’être insuffisamment servis et de payer, en outre, des prix fort élevés. Il est absurde d’imaginer que nous puissions édifier un système de représailles sur l’interdiction de notre marché à ces denrées de nécessité provenant des États-Unis. Les Américains riraient bien, à la pensée que nous irions, pour nous venger du bill Mac-Kinley, qui ne nous fait aucun mal sérieux, surtaxer le blé dont il va nous manquer cette année une si énorme proportion, et le pétrole, qui paie déjà à l’entrée plus de 100 pour 100.

Reste, il est vrai, la prohibition dont nous avons frappé les viandes américaines, prohibition décrétée en 1881, et qui, combinée avec les mesures analogues prises en Allemagne et en Angleterre, a bien pu froisser l’amour-propre des Américains au point de les faire abonder dans leur propre sens et de les incliner un peu plus vers le protectionnisme intransigeant, où ils penchaient déjà par une tradition séculaire.