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Allons-nous arguer du bill Mac-Kinley pour maintenir indéfiniment le décret du 18 février 1881 interdisant sur le territoire de la république française l’importation des viandes de porc salé provenant des États-Unis d’Amérique ? C’est au moins une politique ; mais nous ne voyons pas les raisons qui la devraient faire adopter. Le jour où les Américains auront démontré qu’ils ont pris des précautions nécessaires, aux lieux d’embarquement, pour garantir le bon état des viandes exportées, — et on sait que M. Rusk, le secrétaire de l’Agriculture, ainsi que le congrès avec son Ment Inspection bill, y ont énergiquement travaillé, — le décret d’interdiction n’aura plus de raison d’être.

À plusieurs reprises, les représentans des États-Unis à Paris en ont demandé l’abrogation. Récemment encore, en juillet 1890, M. Whitelaw-Reid la réclamait « comme un acte de justice trop longtemps différé. » L’intérêt en jeu pour les Américains est considérable. En 1878, la France avait importé jusqu’à 30 millions de kilogrammes de viandes salées américaines et 39 millions en 1880. La mesure prise en 1881, à la suite de la découverte de trichines dans quelques arrivages, devait être provisoire, et, dès 1883, le comité consultatif d’hygiène, consulté sur la question de savoir si l’on pouvait, « sans danger pour la santé publique, » lever l’interdiction, répondait par l’affirmative. Le décret, nonobstant, fut maintenu. Ce qui n’était qu’une mesure d’hygiène est devenu une habileté protectionniste en faveur de nos éleveurs. C’était du Mac-Kinley avant la lettre.

Nous pensons avoir démontré qu’il est possible, en France, de disserter avec philosophie du bill Mac-Kinley. Il n’en est pas de même en Angleterre, où l’application des nouveaux droits est un coup très sensible pour tous les grands centres industriels.

Sur un total d’exportations anglaises de 5,325 millions de francs en 1885, les expéditions à destination des États-Unis ont été de 550 millions de francs, soit un peu plus de 10 pour 100. En 1889, les chiffres correspondons étaient 6,200 millions et 750 millions de francs, et la proportion des exportations pour l’Amérique au total des exportations s’élevait à 12.2 pour 100. Sur les 750 millions, 500 environ, ou les deux tiers, se répartissent ainsi : lainages, 130 millions ; toiles, 75 ; cotonnades, 58 ; soieries, 28 ; tissus de jute, 33 ; fers, 150 ; machines, 18. Sur presque tous ces produits, l’élévation de la taxe d’entrée est considérable. Si le nouveau tarif devait leur fermer rigoureusement le marché des États-Unis, ce serait une atteinte sérieuse portée à la prospérité de Bradford, de Manchester, de Birmingham, de Sheffield, de Leeds, etc. On peut admettre qu’au moins la moitié de l’exportation anglaise aux États-Unis est affectée