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que ceux-ci eussent moins à souffrir du feu de l’artillerie. Le général finit par s’y décider, mais il le fît gauchement et il mit un temps infini à trouver l’espace nécessaire pour ces déploiemens. Le jour était venu et tout était encore tranquille, quand une colonne anglaise se forma en face de nous et se porta en avant, semblant se diriger vers notre artillerie. Celle-ci, composée de douze pièces de canon, était en batterie en avant de notre front, sur le terrain où la division avait passé la nuit. L’artillerie laissa approcher les Anglais jusque sur le bord du ravin et ouvrit sur eux un feu très vif à mitraille, qui les contraignit de rétrograder en désordre. Ce fut le signal du combat.

A la droite de notre ligne, le 9e d’infanterie légère, appartenant à la 1re division[1], était à demi-portée de fusil des Anglais, sous le mamelon qu’il avait emporté dans la soirée de la veille et qu’il n’avait pu conserver. Il gravit de nouveau ce mamelon, y parvint et prit même, sur son sommet, deux pièces de canon ; mais les Anglais dirigèrent sur lui une de leurs réserves. Il fut mal soutenu par le 24e et le 96e régiment, appartenant à la même division. Ces trois corps avaient déjà subi, la veille, des pertes sérieuses ; ils étaient fort affaiblis. Le ravin ne permettait pas à la 2e division de venir à leur aide. Wellesley le remarqua. Le centre des Anglais, qui avait recueilli la colonne repoussée par notre artillerie au début de l’action, se porta en avant, prit en flanc la 1re division, la chargea à la baïonnette, et cette division fut obligée de rétrograder. Le général Ruffin l’avait mal dirigée, il ne s’était pas conduit lui-même au gré de l’armée. Jusque-là, nous n’avions été engagés que successivement et par attaques successives, décousues, faites au hasard.

Cependant la bataille était engagée, on ne pouvait plus la différer, et le 4e corps ne paraissait pas. Il était encore bien loin ; heureusement les Anglais, qui avaient adopté la défensive, n’étaient pas entreprenans. Ils ne surent pas profiter, à ce moment, de la supériorité numérique de leur armée et du désordre de nos attaques, dans lesquelles on engageait nos divisions l’une après l’autre, comme nos corps d’armée. Si les ennemis s’étaient portés en avant, par leur aile droite, qui n’avait que quelques tirailleurs devant elle, le 1er corps se serait trouvé dans une situation critique.

Le général Wellesley, qui connaissait l’ardeur des troupes françaises, avait bien prévu qu’elles viendraient l’attaquer et s’était habilement préparé à les recevoir en fortifiant sa position. Il en fut ainsi malheureusement !

  1. La 1re division était l’ancienne division Dupont, de Friedland, à laquelle on n’avait enlevé que le 32e.