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rapetisse le cadre, c’est-à-dire qu’on l’accroche plus près du spectateur, on élargit et on simplifie la facture, comme s’il devait être regardé de plus loin ; et, presque tous ces fragmens sont des esquisses d’après nature, ou parfois, comme on dit dans la chanson de Barbizon, peintes de chic d’après nature. Les quelques toiles de grande dimension qui se déroulent, soit sur les parois de la grande coupole, soit aux extrémités des galeries, sont des décorations commandées par la ville de Paris ou l’État, et la folle du logis, je vous prie de le croire, n’a pas fait partie des commissions qui ont fixé les sujets ou choisi les esquisses. Le seul poète du lieu reste, nous l’avons déjà dit, M. Puvis de Chavannes. Aussi lorsque l’œil, abêti par la succession de tant d’énormes photographies bourgeoises et plébéiennes, rencontre enfin l’harmonie calme et tendre de ses rêveries savantes, on se sent disposé à toutes sortes d’indulgences pour un dilettantisme si incomplet, mais si noble et si délicat.

Les deux toiles en hauteur, la Céramique et la Poterie, forment le complément de la grande composition Inter Arles et Naturam, destinée au musée céramique de Rouen, dont nous avons parlé l’an dernier. L’artiste s’y est mis plus à l’aise vis-à-vis de la réalité que dans son panneau central ; son imagination, en reprenant plus de liberté, a retrouvé aussi plus d’ampleur et plus de charme. Toutes les deux sont disposées avec un goût parfait ; nous y retrouvons, dans toute sa grâce, ce beau naturel des attitudes qui est la qualité maîtresse de M. Puvis de Chavannes. Les fonds de paysage et de constructions sont disposés, avec une science discrète, aussi bien pour reposer le regard que pour faire valoir les figures. On sent que le tout est sorti d’une imagination accoutumée à contempler longtemps son rêve avant de le fixer. Cette unité harmonique, jointe au rythme savamment et délicatement équilibré des mouvemens et des gestes, suffit à donner à ces peintures un caractère d’ouvrages supérieurs. Ce qu’on y admire, d’ailleurs, rentre dans les données classiques, puisque c’est la transposition idéale des réalités simplifiées telle que l’ont comprise les Grecs et les Italiens. Dans le panneau de la Céramique, l’ouvrier massif, assis au bord de la cuve où son camarade, debout, demi-nu, remue la pâte, et qui tient lui-même un tamis, n’aurait qu’à se lever et jeter ses vêtemens pour redevenir l’Hercule Farnèse ; la femme, debout, appuyée le long d’un pilier, portant un arrosoir, se changerait aisément en terre cuite athénienne. Cette préoccupation sculpturale, qui fut celle aussi des peintres de l’antiquité et de la renaissance, donne aux figures de M. Puvis de Chavannes une valeur individuelle, en dehors même de leur action commune, qui les grave fortement dans l’esprit. Quand l’artiste y joint, dans ses