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affaires M. Dunajewski qui était l’objet de leur antipathie ; maintenant, il va plus loin, il cherche à les gagner en les flattant, il est prêt à accepter leur concours. C’est ce qui résulte de la discussion du budget qui s’est ouverte il y a quelques jours, où se sont succédé et le prince Schwarzenberg, un des chefs de l’aristocratie de Bohême, et le prince Lichtenstein, naguère encore clérical, aujourd’hui socialiste, antisémite, et les jeunes Tchèques. Tout le monde a parlé cette fois, mais le point caractéristique de cette discussion est l’alliance avouée, déclarée, acceptée, du chef du ministère avec les centralistes allemands.

Au fond, dans sa sphère, le comte Taaffe imite M. de Bismarck, qui a eu tour à tour pour alliés les conservateurs, les nationaux-libéraux, le centre catholique, les libre-échangistes, les protectionnistes, sans se croire obligé de quitter le pouvoir. Le premier ministre de l’empereur François-Joseph fait de même. Après cela, il ne faudrait pas s’y fier, et le comte Taaffe, comme M. de Bismarck, est peut-être pour ses nouveaux alliés ce qu’il a été pour les anciens. Il ne leur promet pas une fidélité éternelle ; mais il fait face aux circonstances, — et c’est ainsi que le régime parlementaire triomphe en Autriche !

Tout ne se passe pas aussi aisément en Angleterre, pays de vieilles traditions parlementaires, de vieilles libertés et de vieilles mœurs, où la responsabilité n’est pas un vain mot, où les partis, les ministères, les princes eux-mêmes sont sous le contrôle incessant de l’opinion. Pour le moment il y a deux faits dans cette vie anglaise. Il y a d’abord la position du ministère conservateur qui reste aux prises avec de singulières difficultés et entre peut-être de plus en plus dans la phase critique.

On ne peut pas dire que rien soit changé, que le ministère de lord Salisbury soit menacé d’une fin prochaine. Il n’y a pas moins un mouvement sensible, régulier, persistant, qui semble s’accentuer à mesure qu’on approche du renouvellement de la chambre des communes. Dans presque toutes les élections partielles, depuis quelque temps, les victoires de l’opposition se succèdent. Les libéraux gardent leurs positions ou gagnent des sièges sur les conservateurs. Récemment encore, le même phénomène s’est reproduit à Paisley, et si M. Gladstone, malgré son grand âge, garde assez de force pour conduire son parti au scrutin, il a des chances pour clore sa carrière par un dernier succès. Lord Salisbury n’est peut-être pas sans se préoccuper du danger de ce mouvement croissant d’opinion, sans s’inquiéter de ce point noir. Si le ministère tory a encore assez d’autorité pour vivre ; si, dans les affaires d’Irlande, il est toujours sûr d’avoir sa majorité, comme il l’a eue récemment pour le rachat des terres ; si, dans les affaires extérieures, il peut se tirer d’embarras en se dérobant, en ne disant que ce qu’il veut dire, il n’a pas moins une vie laborieuse jusque dans le parlement. Toutes les fois qu’il essaie d’aborder des questions délicates, il