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fait n’est pas douteux. La guérison est la règle, avec ou sans infirmités consécutives.

Il est incontestable que la phtisie elle-même s’arrête parfois dans sa marche et que la thérapeutique l’y aide. Il n’existe pour cela ni spécifiques ni panacée. C’est un ensemble de soins dans lesquels l’hygiène a la plus large part et qui doivent varier suivant le sujet et les circonstances.

Je n’ai pas l’intention de passer en revue l’interminable série de remèdes qui sont venus tour à tour confesser leur impuissance dans le traitement de cette terrible maladie. Leur énumération seule dépasserait les bornes de cet article et il n’y a véritablement aucun intérêt à raconter toutes ces déceptions. Ce sont, comme je l’ai dit, les moyens empruntés à l’hygiène qui ont encore produit le moins de mécomptes.

Dans une maladie aussi longue et qui conduit à l’épuisement le plus radical, l’indication qui prime toutes les autres consiste à soutenir les forces, pour permettre à l’organisme d’aller jusqu’au bout. Dans ce dessein, on a fait appel à tous les genres de régime : à la diète lactée exclusive, au fait additionné de sel marin, à ses dérivés, le koumis et le kefir, aux corps gras et en particulier à l’huile de foie de morue. On a nourri les tuberculeux avec de la viande crue et de l’alcool, on les a soumis à une alimentation exagérée, en les faisant manger comme des cuirassiers. On est allé jusqu’à les gaver en leur introduisant une sonde dans l’estomac. Dans des cas d’inappétence absolue, de vomissemens incessans, le médecin qui a imaginé ce traitement est arrivé peu à peu à faire prendre de cette manière à quelques-uns d’entre eux, dans la même journée, 3 litres de lait, 600 grammes de viande hachée, 12 œufs et une forte quantité de farine de lentilles. Les malheureux supportaient tout cela, et, chose plus admirable encore, leur estomac y mettait la même complaisance.

De pareilles excentricités s’expliquent par l’insuccès de tous les traitemens rationnels ; mais, en dehors de ces exagérations, il est certain qu’une alimentation réparatrice et bien comprise est un élément qu’il ne faut pas négliger ; toutefois, dans les maladies des organes respiratoires, l’air qui pénètre dans la poitrine à chaque inspiration a plus d’importance que les alimens ; les vicissitudes atmosphériques sont plus à craindre que les écarts de régime. C’est pour cela qu’on a cherché de tout temps un climat qui convînt aux phtisiques, sans être encore parvenu à découvrir un point du globe où la tuberculose pût définitivement s’arrêter. On les a promenés de l’équateur jusqu’au voisinage des régions polaires, du bord de la mer au sommet des montagnes ; on les a fait vivre dans des étables, on les a exposés au