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jeté les remous de l’histoire. Le juif ne boit pas ; la Thora n’a pas eu, comme le Coran pour l’Arabe, à lui interdire le vin. Sous quelque climat qu’il vive, à quelque classe qu’il appartienne, le juif ignore l’alcoolisme, immense avantage pour son intelligence, comme pour son corps. Israël échappe ainsi à la plus dévorante des plaies qui rongent nos races modernes. Enfin, veut-on se rendre compte de tous les avantages des juifs au point de vue sanitaire, il faut mentionner le code rabbinique sur la pureté corporelle de l’homme et de la femme, — et peut-être aussi la circoncision. Malgré le danger que présente, pour les nouveau-nés, le couteau du péritomiste, la circoncision semble avoir un double avantage : elle peut, — sans que cela soit bien prouvé, — atténuer les chances de contagion des plus répugnantes maladies ; elle peut aussi, ce qui ne serait pas moins précieux, émousser les sens de l’homme et diminuer l’incitation aux passions charnelles. Je connais du moins des juifs qui en sont convaincus et qui, tout en faisant bon marché de la Thora, continuent à circoncire leurs fils, comme ils persistent à manger kacher, par hygiène.

Les immunités biostatiques reconnues aux juifs ne semblent pas, cependant, aussi constantes, ou aussi générales, que l’ont imaginé quelques-uns. On a ainsi cru longtemps que les juifs du moyen âge avaient échappé à la peste noire. C’était un des griefs du peuple contre eux ; on les accusait de répandre la peste, parce qu’ils semblaient en être moins souvent atteints que les chrétiens. A chaque épidémie, on les voyait empoisonner les puits et les fontaines. Nous savons, aujourd’hui, que la peste ne s’est pas toujours arrêtée à la porte des juiveries. De même, à des époques plus rapprochées, pour les épidémies de choléra, il n’est pas exact que les juifs en soient partout sortis indemnes. Il faut rabattre de ces privilèges devant la maladie et devant la mort. Tous les juifs n’y participent pas également, ce qu’explique moins la diversité de leurs origines que la différence de leurs conditions d’existence. Prenons la maladie qui fait le plus de ravages en Europe, la tuberculose, la phtisie. Tandis qu’à Londres, jusque dans les misérables bouges de Whitechapel, les médecins anglais ont observé que la consomption était infiniment plus rare parmi les israélites que parmi les chrétiens[1], en Pologne, en Russie, on a remarqué que la phtisie, comme les scrofules, atteignait fréquemment les juifs. Ils semblent même y avoir une prédisposition. Le juif de Lithuanie, de Pologne, de Petite-Russie, est souvent caractérisé

  1. Voyez, par exemple, le docteur Behrend : Nineteenth Century, septembre 1889. Le Census Bulletin américain (décembre 1890) fait les mêmes remarques pour les États-Unis.