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les animaux et les enfans des hommes naissent, vivent et meurent libres sous le ciel clair.

Mais cela n’est pas tout Birmingham : c’est la surface, l’enveloppe, la grossière carcasse de la chaudière ; le foyer, l’âme de la machine est plus loin, sur un point du centre. Là, à côté d’un affreux temple grec lépreux et barbouillé de suie, — le Town Hall, renfermant l’immense salle des meetings, désormais historique, où John Bright a prononcé ses plus magnifiques harangues, — s’élève un beau monument, simple et majestueux, en pierre grise au grain serré du Derbyshire, le Council-house, digne de la grande cité de Birmingham, l’hôtel de ville ; puis des monumens de style néo-gothique, normand, en larges briques ou en terre cuite, gais et lumineux au travers de cette atmosphère opaque et triste ; de larges voies, bordées de hauts édifices solidement et souvent même élégamment bâtis. Au bout de Corporation street, la grande artère de vie qui bat au cœur de la ville, un gracieux édifice retient, amuse et charme le regard. Il est encore entouré de barrières en bois, les vitraux manquent encore aux innombrables petits carreaux des fenêtres : c’est le Palais de Justice que la ville s’est bâti, un bijou, un modèle d’architecture moderne, originale et pratique. Imaginez un grand palais de style normand au pignon découpé de hautes dentelures, au fronton fouillé, aux lignes sinueuses, et tout entier fait de larges briques en faïence ou en terre cuite d’un beau rouge chaud et vivace, tirées du four toutes prêtes à être mises en place. Il y a réellement dans cet édifice une idée originale, une entente particulière des nécessités du climat et des goûts nationaux ; il semble qu’il y circule partout une sève qui l’anime. L’unité en est admirable, comme d’une grande pièce d’orfèvrerie sortie tout entière du cerveau et des mains d’un seul et grand artiste. Entrons-y : le plan, simple et complet, est saisi dès l’entrée ; tout est en sa place, et rien n’a été oublié. L’intérieur est également en terre cuite, mais de couleur vieil ivoire : le contraste des deux tons adoptés a une saveur étrange. Les corniches, les encadremens, les plafonds sont ornés d’opulentes moulures bien venues au four et qui ont tout l’attrait simple et le charme robuste d’une honnête et solide faïence, œuvre d’un de nos vieux potiers rouennais. Quand tous les murs auront été revêtus, à hauteur d’homme, d’une cuirasse de panneaux en vieux chêne sculpté, sillonné de larges veines claires sur fond d’or chaud, l’ensemble sera merveilleux et unique. Nous n’avons aucune idée de ce genre d’architecture ; parlez donc, en France, de bâtir un ministère ou une préfecture en terre cuite ! on vous rira au nez. Et cependant je donnerais vingt de nos palais