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les alliances naissent d’elles-mêmes au moment voulu et elles sont d’autant plus puissantes quand elles se fondent sur la communauté des intérêts, quand elles jaillissent pour ainsi dire des circonstances. Jusque-là, la France n’a qu’à attendre, — suivant avec une attention vigilante ce travail qui s’accomplit autour d’elle, ménageant les relations utiles, laissant les diplomates coalisés à leurs négociations, les souverains à leurs voyages, les uns et les autres peut-être aux chances des mécomptes qui suivent quelquefois les combinaisons trop artificielles pour être fructueuses et durables.

De ces divers alliés qui ont été depuis quelques jours en mouvement pour arriver au renouvellement de leur pacte, l’empereur Guillaume II est évidemment celui qui paraît avoir été le plus heureux, et qui a laissé le plus naïvement éclater sa satisfaction. Il n’a pas longtemps gardé son secret ! C’était tout simple, puisque d’abord l’acte était tout à l’avantage de l’Allemagne : l’empereur pouvait y voir de plus comme un prélude favorable des voyages auxquels il se préparait, et c’est avec la joyeuse fierté du succès qu’il a pu partir pour la Hollande, pour l’Angleterre, en se flattant de conquérir chemin faisant de nouvelles adhésions, de nouvelles sympathies, peut-être quelque supplément d’alliances. Rien, certes, n’est indifférent dans ces voyages qui ne sont pas encore finis, et dont il ne faudrait après tout ni exagérer, ni diminuer l’importance. Guillaume II, en allant en Hollande avec l’impératrice, avec un cortège nombreux et brillant, était évidemment à peu près sûr de trouver un accueil empressé, non-seulement à la cour, auprès de la reine régente qui est une princesse allemande et dans le monde officiel, mais dans la population elle-même. Son séjour n’a été qu’une succession de galas. Il est allé partout : il a fait ses promenades aux musées, il est allé faire sa petite manifestation au tombeau de Ruyter, il a assisté à des fêtes nautiques ; il a tenu à visiter, après Amsterdam, La Haye, Rotterdam, — et partout il a été reçu avec toutes les apparences d’une cordiale courtoisie, par une population lente à se mouvoir, sérieuse et honnête. Détail curieux ! C’est en français, à ce qu’il paraît, que la reine régente, au banquet de gala, a porté son toast et a adressé un petit discours à l’empereur. Le français n’était pas banni de la fête, pas même du menu du festin ! Le jeune souverain aurait répondu au toast de la reine, avec une parfaite bonne grâce, moitié en allemand, moitié en hollandais. L’empereur, en fin de compte, paraît avoir été ravi de la réception qui lui a été faite, des illuminations, des fêtes d’Amsterdam, de l’affabilité populaire.

Après cela il est bien permis de présumer que Guillaume II n’était pas allé en Hollande uniquement pour voir des feux de Bengale, pour assister à un banquet de cour ou même pour porter ses hommages au tombeau de Ruyter. On peut croire que, dans les circonstances présentes, la politique était de la partie, et sur ce point il est probable