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nos troupes qui pussent nous livrer, tout d’abord, cette place importante.

On savait que les troupes qui avaient été destinées à s’opposer à notre marche à travers la Sierra-Morena s’étaient dirigées sur Jaën, afin de couvrir Grenade, mais que d’autres, qui, d’Almaden, s’étaient retirées sur Cordoue, ne s’y étaient pas arrêtées et avaient été jusqu’à Cadix, où elles espéraient trouver des vivres et un asile assuré, sous le canon des flottes anglaises. On savait encore que la junte allait s’y transporter. Le roi et beaucoup de généraux étaient donc d’avis de courir d’abord à Cadix. Le maréchal Soult, major-général, s’y opposa de toutes ses forces. Il savait les Anglais dans la place, et, depuis les mauvais tours que les Anglais lui avaient joués à la Corogne et à Oporto, il n’aimait pas à les rencontrer. Il annonçait que l’on allait se heurter à un siège formidable comme celui de Saragosse. Il dit au roi Joseph : Répondez-moi de Séville et je vous réponds de Cadix. Par malheur on le crut et on céda à son opinion. Cette erreur nous coûta cher, et les Anglais conservèrent toujours une forte tête de pont à Cadix, comme à Torrès-Vedras, à l’embouchure du Tage. C’est la possession de ces deux places, devenues, avec le concours de leurs flottes, d’excellentes bases d’opérations, qui leur a permis de nous chasser de l’Espagne, après quatre années d’une guerre acharnée, et de nous reconduire jusqu’au-delà des Pyrénées, jusqu’à Bordeaux et Toulouse. Les divergences qui s’étaient manifestées dans les avis de nos chefs nous avaient retenus les 23, 24, 25 et 26 janvier à Montilla, pendant que l’on discutait à Carmona.

En présence de l’opposition du maréchal Soult, on laissa le 4e corps se diriger vers Grenade pour conquérir ce royaume et occuper Malaga. La division Dessoles resta en réserve sur la Sierra-Morena pour assurer nos communications. Le 1er corps et celui du maréchal Mortier (le 5e) devaient attaquer Séville.

Le 31 janvier 1810, le 1er corps déboucha de San-Juan de los Panaderos dans la belle plaine de Séville, pour investir la ville, que les habitans avaient fortifiée en y construisant des retranchemens armés d’artillerie. Toutes les cloches sonnaient, la populace, accumulée sur les remparts et les toits des maisons, poussait des cris furieux et nous adressait toutes les injures que l’on peut imaginer. Nous bivouaquâmes aux environs. Les Espagnols faisaient un grand feu d’artillerie sur nos avant-postes. Ils avaient l’air de vouloir se défendre à outrance, mais pendant ce temps, les membres de la junte centrale, les gens riches ou compromis partaient pour Cadix, Gibraltar ou le Portugal.

Je reçus dans la nuit l’ordre de prendre position avec les