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Matagorda et de Saint-Louis, qui battaient le goulet de Cadix. Ils avaient fait sauter les fronts qui regardaient la mer, desquels nous aurions pu gêner beaucoup leurs navires. J’avais reçu l’ordre d’établir un poste dans les ruines du fort Saint-Louis (appelé aussi fort du Trocadero). Le 9, vers quatre heures après midi, le général Levai, commandant notre division[1], et le colonel du 8e, M. Autié, vinrent me voir. Le général, voyant le poste établi au fort, entouré par un grand nombre de chaloupes, qui, de loin, nous semblaient disposées pour un débarquement, m’ordonna de faire soutenir ce poste (il était de 60 hommes) par le reste de la compagnie à laquelle il appartenait. Le capitaine et ce qui lui restait d’hommes étaient retranchés dans une maison du Trocadero. Je fis observer au général que le vaisseau et les canonnières pouvaient faire beaucoup de mal à ce détachement qui allait être obligé de marcher à découvert, en plein jour, sur une langue de terre où il se trouverait entre deux feux. Le général persista.

En conséquence, je donnai l’ordre au capitaine de cette compagnie de se rendre, autant que possible à la course, avec tout son monde, au fort Saint-Louis.

Dès que ce détachement sortit de la maison qui l’abritait, il fut salué par un feu roulant de coups de canon. La marée était haute et mettait l’artillerie des navires au niveau de la côte, ce qui favorisait son tir. Je vis partir ces hommes avec anxiété ; ils purent arriver cependant, avec la faible perte de deux hommes tués et six blessés, mais tous gravement,.atteints par des boulets, des éclats de bombe ou de grosse mitraille. La canonnade dura jusqu’après le coucher du soleil, et je passai encore cette nuit debout, inquiet de mon détachement qu’il m’eût été difficile de soutenir.

Le 10, un bataillon du 5’ie vint me relever au Trocadero. Je rentrai à Puerto-Real, où l’on me logea. Le même jour, une division de chaloupes canonnières et bombardes vint tirer sur la ville. Plusieurs habitans furent tués ou blessés.

Le 14 février, je montai la tranchée au Trocadero. J’y passai deux jours très tranquille. Je m’amusai à perfectionner la défense de ce poste, en faisant percer des galeries dans les maisons, à la manière des Turcs. Je fis encore construire un épaulement, pour y placer du canon, et une traverse avec des tonneaux remplis de terre.

Le 22, j’étais encore de garde au Trocadero. Au moment où je

  1. Le général Leval, qui commandait à Talavera une division allemande, avait remplacé, dans le commandement de la 2e division du 1er corps, le général Lapisse tué à cette bataille.