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qui en est la sanction, nous indique qu’il doit préparer aux fonctions administratives, aux écoles de l’État, qu’il forme de grands industriels et de grands propriétaires. Il s’adresse surtout à des classes riches, distinguées, les mêmes à peu près qui se dirigent d’ordinaire vers les professions libérales. On voit qu’il n’a rien de commun avec ce que M. Duruy appelait un jour « l’instruction secondaire du peuple. » Ne laissons donc pas dire, comme on le fait habituellement, qu’il convient mieux qu’un autre à la démocratie. C’est un mot qui sonne bien, et qui aide singulièrement aujourd’hui à la fortune des institutions. Mais il ne serait pas ici à sa place : en réalité, il ne s’agit que d’un enseignement de haute bourgeoisie, semblable à celui qui se donne dans les lycées. Il m’est impossible de voir comment on a pu dire qu’il convient mieux à un gouvernement qu’à un autre et pourquoi l’on a mêlé la politique à ce qui n’est au fond qu’une question de pédagogie.

Il n’en était pas de même de l’enseignement spécial comme M. Duruy l’avait conçu. Celui-là pouvait se targuer d’être démocratique, au meilleur sens du mot, car il voulait relever le peuple sans abaisser personne. Il lui fournissait des écoles qui lui manquaient et comblait vraiment une lacune dans l’instruction nationale.

Cette lacune n’existe plus aujourd’hui, grâce au développement qu’on a donné à l’enseignement primaire supérieur. Cet enseignement avait été créé, comme tant d’autres choses, par la loi de 1833, qui fait un si grand honneur à M. Guizot et qui est restée la charte de notre éducation populaire. Mais le gouvernement de juillet, qui le mit dans la loi, n’eut pas le temps de l’en faire sortir. Il était obligé de courir au plus pressé et il avait bien assez à faire de pourvoir les communes d’écoles, et les écoles d’instituteurs. Naturellement la loi de 1850 le passa sous silence. C’est seulement depuis quelques années qu’on essaie de l’organiser, et ces essais ont été heureux. Il a cet avantage de ne laisser aucune équivoque sur le but qu’il se propose d’atteindre et d’indiquer nettement à qui il est destiné : — « Ceux qui viendront à nos écoles, dit le rapporteur chargé d’en préparer les programmes, ce seront les enfans des agriculteurs, des artisans, des petits boutiquiers, qui, avant d’embrasser, sous leur propre toit, le métier ou la profession de leurs parens, voudront, au pays même ou dans le voisinage, sans luxe et à peu de frais, fortifier les connaissances insuffisantes et précaires du certificat d’études, et aussi en savoir, s’il est possible, un peu plus que leurs parens eux-mêmes sur leur profession future. Ce seront ceux dont les familles, pouvant à la rigueur se passer de l’aide effective des enfans au sortir de l’âge scolaire, les laisseront, comme ils disent, continuer encore deux ou trois ans, mais en demandant à l’école que, pendant ce délai, tout le temps ne soit pas