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foncièrement négatif. Pendant ses seize années d’existence sur le terrain fédéral, pour ne point parler de ses effets ailleurs, il a dit non plus haut et plus souvent que oui.

On comprendra l’épithète désobligeante de « sabot » que ses adversaires lui ont appliquée. Mais, il faut bien qu’on se le dise, le referendum demeurera « un sabot » aussi longtemps que les assemblées délibérantes seront formées suivant un mode qui élimine les minorités, et sème des germes de mécontentement et d’irritation dans les esprits.

Et quant au droit d’initiative, il donne lieu à peu près aux mêmes réflexions que le referendum. Si le peuple et ses mandataires ne pensent pas de même, il devient un instrument de combat ; s’ils s’accordent, ce n’est plus alors qu’une épée de Damoclès sur la tête des gouvernans pour leur inspirer la sagesse.

Mais, d’autre part, le fonctionnement des droits populaires, referendum et initiative, ne laisse pas de présenter des difficultés et des inconvéniens. Encore qu’il puisse être bon de les posséder, ils sont encombrans. Or, le jour où les citoyens auront une représentation vraie, ils craindront moins que l’on n’entreprenne sur eux ; les débats sérieux retourneront du sein du peuple dans celui des corps délibérans, et l’on ne sera que bien rarement dans le cas de se servir de ces lourdes armes défensives. La représentation proportionnelle simplifiera donc le jeu de la démocratie directe.

Enfin, ce qui ne sera pas sa moindre vertu, elle atténuera les maux qui découlent du système électoral actuel. Rappelons d’abord l’inévitable antagonisme de deux grands partis politiques en rivalité permanente et dans lesquels les groupes modérés sont trop souvent débordés par les élémens extrêmes ; puis, l’indifférence, le scepticisme en matière politique, qui est, pour un grand nombre d’esprits, la seule manière de protester contre un système de gouvernement qui force l’électeur à s’enrôler, volens nolens, dans une des deux armées en présence et à en accepter la discipline. Que dire encore de cette injustice criante : dans chaque arrondissement, des électeurs impuissans à faire passer un seul homme de leur choix, pendant que d’autres, par la vertu d’une majorité infime peut-être, monopolisent tous les sièges ? Signalons enfin la scandaleuse pratique qui consiste à découper les circonscriptions électorales, non pas de manière à assurer la justice, mais de façon à favoriser le parti le plus fort, qui profite ainsi de sa position pour piper le suffrage universel.

Le temps n’est plus, en Suisse, où les hommes qui discernent dans la représentation proportionnelle le coup de mort porté au gouvernement des coteries, y pouvaient répondre par un simple