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Un deuxième type est celui que nous trouvons incarné, à cette heure, dans différentes républiques américaines. Arrêtons-nous un instant à la plus importante de toutes, celle des États-Unis. C’est là, d’ailleurs, que le système est le plus achevé. Dans ce nouveau mode, le peuple entend, certes, commander, comme tout à l’heure, mais il s’y prend autrement. Il n’a ni le goût, ni le loisir de rester toujours sur le qui-vive, prêt à intervenir s’il le faut ; il estime aussi que les questions soumises aux autorités constituées sont trop nombreuses et trop complexes pour qu’il convienne d’en abandonner la solution finale à la masse des citoyens. Mais alors comment s’effectuera le contrôle désiré ?

On compte d’abord un peu pour cela sur les garanties très expresses, très précises, inscrites en faveur des droits du peuple dans les constitutions du pays, celle de la nation comme celles des états. Les constitutions locales sont, dans la règle, soumises tous les vingt ans à une révision : la constitution fédérale, pour laquelle il n’est pas prévu de révisions périodiques, n’a subi depuis son adoption, il y a plus d’un siècle, que quelques modifications. Ces chartes des prérogatives du souverain sont défendues avec un soin jaloux contre les décisions des différens corps politiques qui pourraient y porter atteinte. Les tribunaux sont armés à cet effet, et la cour suprême des États-Unis possède en particulier, à cet égard, des attributions dont on chercherait en vain l’équivalent dans le tribunal fédéral en Suisse. Mais il fallait d’autres moyens encore pour réaliser le contrôle des constituans sur les corps constitués. Cette tâche sera confiée surtout à un haut magistrat, muni d’attributions étendues, et à qui l’on dira : « Use de l’autorité que nous te déléguons, détends nos intérêts. »

Le président des États-Unis, appelé à jouer ce rôle prépondérant, possède d’amples pouvoirs. Il choisit ses ministres. Il nomme les membres de la magistrature fédérale et les fonctionnaires de tout ordre. La constitution l’a mis en mesure, quand les circonstances l’exigent, de tenir la dragée haute aux chambres. Ces dernières votent-elles une loi qui soulève une violente opposition et dont les conséquences pourraient être préjudiciables au pays, il la frappe de son veto suspensif. Pour être maintenu, le bill contesté devra alors réunir dans chacune des deux chambres les deux tiers des voix, la simple pluralité n’étant plus tenue pour suffisante dans cette épreuve décisive. C’est à une sorte d’entrepreneur d’administration publique que nous avons ici affaire.

Mais voici que ce défenseur des droits du peuple, devenant l’élu d’un parti et poussé par ce parti, n’a pas fait toujours de son pouvoir l’usage qu’il eût dû faire ; qu’il a opéré, à son avènement, des