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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

La seconde quinzaine de juillet, période ordinairement favorisée par l’afflux, sur le marché, des capitaux que rend disponibles la mise en paiement des coupons et des dividendes semestriels, a été marquée cette fois par un mouvement général de réaction sur les fonds d’États et aussi sur un groupe de titres que le public tient cependant fort en estime, les obligations des chemins de fer d’Espagne.

Les mauvaises dispositions des marchés de Londres et de Berlin ont été la cause principale de la dépréciation dont un si grand nombre de valeurs viennent d’être frappées. Londres souffre toujours des suites de la crise de novembre dernier et du désarroi croissant des finances dans presque toutes les républiques de l’Amérique du Sud. De plus, une spéculation à la baisse, constamment victorieuse depuis plusieurs mois, a entrepris de ruiner le crédit du Portugal, puis après avoir amené à un état suffisant d’avancement cette œuvre de destruction, a commencé à s’en prendre au crédit de l’Espagne.

A Berlin et à Vienne, la mauvaise humeur causée par la brillante réception que le tsar Alexandre, la municipalité de Saint-Pétersbourg et toute la population russe, ont faite aux marins de notre escadre en visite à Cronstadt, a conduit à ce singulier résultat d’entraîner dans une baisse commune non-seulement le rouble-papier et les 4 pour 100 or de Russie, mais le 4 pour 100 hongrois et la rente italienne, c’est-à-dire les fonds de la triple alliance.

Enfin sur tous les marchés a pesé, plus que de raison, ce semble, la question du change. Partout le papier-monnaie a été discuté, la circulation fiduciaire mise en suspicion, et les métaux précieux, considérés comme une marchandise bonne à accaparer en vue d’une hausse des prix. Il en est résulté que la prime de l’or s’est élevée à Lisbonne de 7 ou 8 pour 100, où elle était récemment encore, jusqu’à 37 pour 100, à Madrid de 3 ou 4 pour 100 à 7 et 8 pour 100. A Buenos-Ayres, la prime atteint 300 pour 100. Le change à Rio-de-Janeiro est à 16 1/2, alors qu’il se tenait un peu au-dessus du pair, soit à 27 pour 100, la veille de la révolution. En Italie, la prime, très légère jusqu’ici, s’est élevée subitement de deux ou trois points. La Grèce n’échappe pas au fléau, et l’agio sur l’or y a déjà déterminé un recul des fonds publics.