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l’apparition du salpêtre, ignoré des anciens, puis celle de la poudre à canon, vinrent compliquer encore davantage.

Pour en fournir une idée aussi complète que possible, il suffit de reproduire la liste suivante, tirée d’un manuscrit latin écrit vers 1438, lequel se trouve à la bibliothèque royale de Munich (n° 197) : « Matières incendiaires : Baume, camphre, soufre, soufre vif, huile d’olive filtrée, poix navale, térébenthine, poix grecque, peghola (autre variété de poix), vernis sec, huile de soufre, miel filtré, vin cuit, eau-de-vie, graisse de porc, huile de baleine, graisses de toutes sortes d’animaux terrestres et de serpens : enfin poudre à canon. » Tels ont été les matières incendiaires employées par l’art militaire pendant le cours des âges. A l’exception de la poudre et du salpêtre, la plupart étaient déjà connues et mises en œuvre dans l’antiquité.

Ces matières n’étaient pas simplement jetées à la main, mais lancées au loin sur l’ennemi et sur ses travaux, portées par divers appareils qu’il convient de décrire maintenant.

Il s’agit des traits incendiaires et des pots à feu. Il est déjà question des premiers au siège de Platée ; on les trouve désignés plus tard sous le nom de flèches ardentes, marteaux (malleoli) et falariques.

D’après Énée, on préparait des tiges de bois, munies à leurs extrémités de fortes pointes de fer, auxquelles on donnait la forme des foudres peintes. On attache au milieu, dit-il, les corps inflammables ; on met le feu et on les lance, de telle façon que les pointes viennent se ficher sur la machine ennemie, à laquelle s’attache ainsi un feu inextinguible. Les anciens auteurs latins, Végèce notamment, décrivent de même les marteaux ou traits de feu. L’usage de ce genre de projectiles se perpétua, car on en lit une description identique dans les récits de la première croisade, relatifs au siège de Jérusalem, et l’objet même est encore figuré dans un traité d’artillerie imprimé en 1525.

La falarique de Tite-Live et de Végèce est une arme de jet plus puissante encore ; elle était munie d’une pointe en forme d’hameçon, dont la hampe se trouvait environnée par une sorte d’ellipsoïde, formé de bandes de fer. La cavité de cette carcasse était remplie par de l’étoupe, garnie de matière enflammée. On lançait la falarique avec un arc ou avec une baliste, sans la projeter trop vivement, ce qui aurait exposé à l’éteindre. Elle arrivait comme la foudre,


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