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du jacobinisme révolutionnaire ou impérial, qui n’ont rien oublié ni rien appris, restent insensibles au mouvement universel des choses. Figés dans leurs étroits et vieux préjugés, ils n’ont plus le sens de la liberté, de ses garanties nécessaires et inaliénables. Ils ne voient pas que tout a changé autour d’eux, que, si la république elle-même peut entrer dans la famille des régimes réguliers, c’est qu’elle n’est plus ce qu’elle a été autrefois, ce qu’ils voudraient la faire encore, — c’est qu’elle a subi dans son existence, dans ses mœurs, dans sa politique, l’influence du temps.

Sans doute la république a été autrefois une institution de guerre et de propagande révolutionnaire à l’intérieur comme à l’extérieur. C’est un fait qui n’est plus que de l’histoire. Née dans les convulsions, la république avait à tenir tête à toutes les monarchies, aux forces coalisées de l’Europe ennemie. Elle avait à se défendre contre les manifestes de Brunswick, contre les invasions des armées étrangères. Elle y a répondu quelquefois par des crimes, et dans tous les cas par un héroïsme militaire victorieux. A la guerre, elle opposait la guerre, à l’invasion elle opposait l’invasion. Elle était l’ennemi public ! Aujourd’hui elle ne menace plus personne, ni par ses impatiences guerrières, ni par ses propagandes. Elle est en paix avec tout le monde. Elle reçoit la visite des rois et des princes ; elle traite avec les souverains les plus puissans. Ses envoyés, ses chefs militaires trouvent un éclatant accueil à Saint-Pétersbourg comme à Londres, — et on joue la Marseillaise dans les cours ! — Le changement n’est pas moins sensible dans la vie intérieure. Assurément la république, à sa première apparition en France, a été violente, tyrannique, persécutrice. Elle faisait la guerre à l’intérieur par des moyens souvent atroces, par les déprédations comme par les supplices, et c’est bien certain, elle a eu, pour renaître, à triompher des sinistres souvenirs qu’elle a laissés. Aujourd’hui on n’en est plus, fort heureusement, aux guerres implacables d’autrefois. Qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, la république, dégagée d’un passé compromettant, est à peu près acceptée comme un régime né sous l’influence d’une série d’événemens qui lui donnent un caractère nouveau. Les oppositions systématiques sentent visiblement leur impuissance devant un fait qui a toutes les sanctions, même celle du pape, demeuré, à travers tout, un allié bienveillant pour la France. M. le président de la république, dans ses voyages, se voit entouré des membres du clergé. Les chefs de l’Église portent successivement leur adhésion aux institutions, et ils sont certainement suivis par l’immense majorité des catholiques et des conservateurs qui sont tout disposés à offrir leur concours, qui ne le refusent jamais dans les œuvres d’intérêt national. On n’accepte pas sans doute tout ce que la république a fait jusqu’ici ; on entre dans le régime, en lui demandant