Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chartres m’en eût donné la permission, lorsque, me prenant sur le temps, M. de Montauban lui dit avec précipitation : « Le prince veut-il bien permettre qu’il soit assis pour lire ? » M. de Chartres répondit : Qu’il s’assoie, et ma foi, je crois que je l’étais déjà, ou du moins, je m’asseyais dans l’instant. »

Un faux-fuyant brusque et baroque, voilà donc l’origine de la fortune de Collé, la cause de son bonheur : cent mille livres environ qu’il tira de la ferme d’Orléans le mirent en état d’épouser une femme qui fit le plaisir et la félicité de sa vie : pendant quinze ans, à partir de 1748, il devient le pourvoyeur patenté du prince et fait jouer ses pièces sur ses divers théâtres, à Bagnolet, faubourg Saint-Antoine, faubourg du Roule. La salle du faubourg du Roule, construite sous les ordres de Pierre, premier peintre du prince, figurait une espèce de ruine d’un amphithéâtre romain ; comme on la trouvait trop noble et taillée dans le grand, Pierre répondit qu’il l’avait faite pour le maître et non pour les comédies qu’on devait y jouer. Au spectacle d’inauguration, le 7 février 1755, on donna les Adieux de la parade, prologue en vers libres, suivis de Nicaise, un compliment de Léandre, des annonces[1] et l’Amant poussif, parade : les rôles dans Nicaise étaient remplis de la manière suivante : Bartholin, M. le duc d’Orléans ; sa femme, Mlle Gaussin ; Mme Jérôme, Mlle Fouel. Quatre garçons de noce : MM. de Montauban, le vicomte de La Tour-du-Pin, Saint-Martin et Collé. C’était l’usage alors de faire précéder les comédies de société d’un compliment. Collé débita celui-ci ridiculement, en tremblant comme un enfant :

  1. Voici quelques-uns des couplets chantés par le duc d’Orléans dans les annonces :
    Amans qui marchez sur les traces
    Des jeunes seigneurs de la cour,
    Ayez de l’esprit et des grâces ;
    Il en faut pour faire l’amour.
    Tout consiste dans la manière
    Et dans le goût,
    Et c’est la façon de le faire
    Qui fait tout.
    Pour faire un bouquet à Lucrèce,
    Suffit-il de cueillir des fleurs ?
    Il faut encore avoir l’adresse
    D’en bien assortir les fleurs,
    Tout consiste…
    De deux jours l’un, à ma bergère,
    Je fais deux bons petits couplets ;
    Et ma bergère les préfère
    A douze qui seraient mal faits.
    Tout…