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Le ministère réalisait enfin son ambition d’avoir une majorité pure de contaminations radicales. Il eut pour lui 235 voix contre 113 sur 348, soit une majorité de 122 voix.

Cette majorité (soit dit entre parenthèse), il n’eût tenu qu’à M. Nicotera de la faire pencher du côté opposé, comme son passé d’homme de liberté lui en faisait peut-être un devoir, s’harmonisant d’ailleurs avec l’ambition qu’on lui prêtait de prenne la place de M. di Rudini à la présidence du conseil, et c’est facile à comprendre. Les 113 voix contraires au ministère se composaient d’extrême gauche et de gauche, nuance Crispi-Zanardelli. Si M. Nicotera y avait ajouté les 20 ou 25 voix de ses adhérens personnels et les 60 ou 65 qui dépendent de son influence comme ministre de l’intérieur, le vote de confiance ne réunissait plus que 150 voix environ contre environ 200 ; le ministère tombait et M. Nicotera se trouvait nécessairement chargé d’en former un nouveau. Il a, paraît-il, hésité une partie de la journée ; puis s’est enfin décidé à se solidariser avec ses collègues du jour par appréhension peut-être du partage d’influence auquel il serait exposé à devoir consentir avec ses collègues du lendemain, c’est-à-dire principalement avec M. Zanardelli.

Ainsi M. Nicotera se trouvait désormais solidaire de la politique intérieure du ministère de droite dont il faisait partie, et, par contre-coup, impuissant à faire prévaloir les idées qui lui étaient attribuées à l’endroit de la politique extérieure. Ainsi, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, le ministère devenait d’une volonté plus homogène pour le choix de la ligne politique que les circonstances pourraient le porter à adopter.

Pour l’extérieur, toutefois, rien ne faisait présager des résolutions prochaines, puisque, au commencement de mai, le traité de la triple alliance avait encore quinze mois de durée à courir. L’on croyait donc pouvoir attendre les faits avec calme, lorsque, du même côté, de l’Opinione, qui avait déjà alarmé les adversaires de la triple alliance au lendemain de l’avènement du cabinet Rudini, éclata un nouveau son de cloche inquiétant. C’était une semaine après le vote de confiance. Le 13 mai, une brochure était distribuée dans les couloirs de la chambre. Elle avait pour titre : Neutralité ou alliances ? L’écrivain qui la signait était M. le député Torraca. Comme l’a très bien fait ressortir le Journal des Débats, « le point d’interrogation qui terminait le titre n’avait rien à y faire. » L’auteur avait soin de prouver d’un bout à l’autre de son œuvre qu’il n’était point pour la neutralité. Et si, d’autre part, il était pour les alliances, son choix n’était nullement douteux. Pour lui, la volonté de la France de troubler la paix de l’Europe est évidente, et si elle était victorieuse dans la prochaine guerre, le résultat en serait : « L’empire allemand détruit, la France arbitre