Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/423

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourrait non plus vouloir le retour de l’Italie à ses anciennes divisions territoriales, le souvenir des accablantes et dangereuses nécessités de l’occupation de Rome lui étant à cet égard d’un enseignement plus que suffisant ; que la seule satisfaction qu’elle pourrait souhaiter, en raison de sa victoire éventuelle, ce serait l’établissement, en Italie, d’une république ; que l’exemple donné ainsi par l’Italie serait aussitôt suivi par les autres nations latines, demandant à se confédérer pour constituer une barrière infranchissable aux projets envahissans du pangermanisme. Et, incidemment, mais très incidemment, il faisait allusion à l’adhésion qu’une telle solution devrait trouver aussi dans le parti clérical italien. Et l’auteur explique clairement sa pensée sur ce point : l’Église, d’après lui, ne songe plus au rétablissement du pouvoir temporel ; elle ne vise plus qu’à développer son influence sociale sous une nouvelle forme, qui est la conséquence de notre temps ; mais, pour atteindre ce but, elle a besoin que son chef vive côte à côte avec un pouvoir civil avec lequel il puisse s’entendre. Or, la conciliation du pape et du roi, « de ces deux souverains dont l’un vit dans un palais ravi à l’autre, » n’est pas possible. D’où la conséquence de la nécessité de l’existence d’un pouvoir républicain se substituant au pouvoir royal, pour que la papauté puisse enfin se concilier avec l’Italie moderne et unifiée.

Telle est la thèse exposée dans l’article en question.

M. Crispi, avec sa très grande pénétration, a senti le danger de voir se répandre en Italie des idées aussi justes et qui sont en si grande opposition avec le système politique dont il s’est fait la personnification la plus exacte. Il en a senti également le danger au point de vue de l’opinion anglaise, dont l’appui est si nécessaire à la politique italienne. Il a cherché l’expédient qui pouvait en neutraliser l’effet, et il l’a trouvé. Dégageant de l’article auquel il voulait répondre toute la partie démonstrative et documentaire qu’il était impuissant à réfuter, il en a pris, en la dénaturant, la partie incidente. Il a voulu, comme on dit vulgairement, faire « perdre la piste. » Il s’est donc emparé de la question cléricale, dans laquelle il était certain de se rencontrer d’accord avec l’esprit d’unitarisme italien aussi bien qu’avec l’esprit de protestantisme anglais, et il l’a présentée du mieux qu’il a pu, à son point de vue. S’il n’a pas été plus probant dans sa démonstration, ce n’est point de sa faute. Si habile qu’il soit, il ne pouvait pas, en réalité, arriver à prouver que ce qui n’est pas existe. Mais l’expédient n’était pas moins choisi avec une grande dextérité. Il prouve une fois de plus combien M. Crispi était bien à sa place parmi les principaux acteurs de ce grand drame politique dans lequel l’esprit public européen fut amené, à force d’habiles coups de scène, à laisser