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par ressaisir la majorité et emporter le vote de sa loi à la chambre des députés. Restait une dernière bataille à livrer à la chambre des pairs, où il allait retrouver une opposition aussi vive et peut-être plus habile, représentée par d’anciens ministres, des libéraux, des mécontens, des hommes de cour importunés de l’ascendant de M. de Villèle, — et même l’archevêque de Paris, M. de Quélen, qui se croyait obligé de défendre les « petits rentiers. » Ici tout changeait dans une assemblée plus favorable aux tactiques d’une savante hostilité : la conversion des rentes était rejetée, on n’avait rien fait. La chambre des pairs pouvait se flatter d’avoir conquis par son vote une popularité de circonstance dans Paris.

Au premier abord le ministère semblait atteint dans son chef : il ne l’était pas réellement. Si la loi de la conversion de la rente avait contre elle la chambre des pairs, elle avait eu, elle avait encore pour elle la chambre des députés, qui demeurait fidèle à la politique ministérielle. Si par des polémiques et des discours on avait réussi à émouvoir, peut-être à égarer l’opinion, il y avait à travers tout ce sentiment que le dernier mot n’était pas dit, qu’on reviendrait un jour ou l’autre à une mesure prématurée peut-être, certainement utile pour le pays. De plus, M. de Villèle avait singulièrement grandi dans ces luttes, où il avait montré autant de sang-froid que d’habileté. Plus que jamais il se sentait soutenu par le roi et par le frère du roi. Ceux-là mêmes parmi les hommes de cour qui venaient de voter contre lui se pressaient le soir à sa réception comme pour désavouer, par leur présence dans les salons ministériels, leur vote du matin. Rien n’aurait paru changé, si ce n’eût été un incident, une dernière scène de la discussion de la chambre des pairs. À ce même moment, en effet, venait d’éclater, ou de s’accentuer, un conflit qui n’avait plus, il est vrai, rien d’imprévu depuis la fin de la guerre d’Espagne et dont le dénoûment allait être, par ses conséquences, un des plus graves événemens du temps. Cette malheureuse conversion des rentes décidait une rupture retentissante dans le ministère, par la disgrâce de M. de Chateaubriand.

Triste et fatale crise d’impatience, de scission irritée entre des