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pour le salut de la monarchie ! M. de Chateaubriand s’adressait au prince, en même temps qu’il se répandait, dans les journaux complices de ses colères, en polémiques irritées et vengeresses. L’inévitable M. Sosthènes de La Rochefoucauld, à son tour, ne cessait d’assaillir le roi de ses confidences en dépeignant le peuple exaspéré, les esprits aliénés, — en offrant surtout ses services, en promettant, avec une comique fatuité, à Charles X « de le remettre, avant deux ans, sur un pavois d’amour et de respect inaltérables. » Un familier de la cour, le duc de Rivière, pressait M. de Villèle de profiter de la retraite de M. de Doudeauville pour se fortifier par l’accession de l’ami de cœur du roi, Jules de Polignac, qu’on ne cessait de lui opposer. M. de Villèle ne se laissait pas ébranler : il tenait tête aux libéraux, ses adversaires naturels ; il tenait tête aussi aux royalistes de la défection, qu’il représentait ironiquement comme un corps d’armée acharné à conquérir des positions qu’il ne pourrait garder, « à se battre pour les libéraux. « Il restait encore soutenu par le roi, qui lui écrivait dans ces momens difficiles : « Je conçois tout ce que l’ingratitude et la démence peuvent causer de chagrins; mais je connais votre courage et je vous réponds du mien. »

Cependant tout s’animait et se compliquait. La lutte, engagée et organisée sous toutes les formes, prenait par degrés un tel caractère de violence, que le moindre fait suffisait à mettre le feu aux passions, que chaque séance de la chambre devenait une vraie bataille et que la clôture même de la session de 1827 ne diminuait pas l’ardeur des conflits. « Nous nous séparons dans une inquiétude générale, » s’écriait l’impétueux Hyde de Neuville. Le ministère restait aux prises avec des animosités et des difficultés croissantes; il le sentait et il délibérait avec lui-même sur le choix de ses moyens de défense. Vainement on s’armait encore, pour un instant, de la censure des journaux : la censure n’était qu’un vain palliatif, on ne faisait qu’irriter les esprits. Assailli de toutes parts, M. de Villèle se décidait alors à un coup décisif; il obtenait du roi deux ordonnances également graves. L’une de ces ordonnances avait pour objet de renouveler la pairie par une vaste promotion de soixante-seize pairs et d’éteindre ainsi, au Luxembourg, une opposition semi-libérale qui datait des ministères Richelieu, Decazes ; la seconde, bien autrement sérieuse dans les conditions de lutte violente où vivait la France, décidait la dissolution de la chambre élective et un appel au scrutin. Cette seconde ordonnance allait droit au nœud de la situation, elle tranchait dans le vif. Ce n’était pas sans doute un coup d’État, c’était au moins l’acte d’une politique d’impatience et de défi, — ou, mieux encore, la guerre des partis portée devant le pays. Pour qu’un homme, accoutumé à la prudence et aux temporisations,