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de la dîme en une taxe unique sur les biens-fonds (rent charge). Au lieu de l’impôt en nature qu’il fallait apporter à la paroisse à des époques indéterminées, variables avec les saisons, incertaines comme la moisson des champs ou du verger, on s’en tenait à une moyenne de la production évaluée en argent à dire d’experts, on la prenait désormais pour base du bénéfice de l’Église. Deux commissaires royaux désignés par les ministres, un troisième à la nomination de l’archevêque de Canterbury, étaient chargés de l’exécution de la loi ; ils déléguaient une partie de leurs pouvoirs à des fonctionnaires de moindre importance investis du soin de parcourir le pays, de procéder aux estimations et aux calculs. La tâche était délicate entre toutes ; il fallait garder le terrain conquis, le clergé n’eût pas souffert que l’apuration des comptes le laissât en déficit; mais, en même temps, on avait l’ordre d’apaiser, le plus possible, les rancunes et les défiances; assurément, c’était une besogne ardue que de concilier des intérêts aussi directement opposés ; on s’en tira du mieux qu’on put.

Notons ce point : il s’agissait toujours d’un usufruit, la loi n’investissait nullement l’Eglise du droit de propriété. Le pouvoir législatif, en 1836, — et, plus avant dans l’histoire, le grand conseil de la nation, — étaient intervenus pour modifier et régler à leur manière les conditions de jouissance. Le fait seul que leur compétence n’était pas contestée indiquait suffisamment que les trois termes de la souveraineté britannique : — Le monarque, les lords et les communes, — étaient effectivement restés les maîtres. Au reste, le changement s’opérait sous le contrôle d’agens de l’État. Dans la pensée du gouvernement, l’Église n’était pas autre chose qu’un corps entretenu et salarié pour accomplir certains devoirs, de même qu’il existe une magistrature rétribuée pour rendre la justice, une armée pour défendre le territoire. Quant au mode de paiement de la corporation religieuse, il s’était autrefois effectué, cela est vrai, en tout autre chose qu’en valeurs monétaires ; mais de ce qu’une rente avait été territoriale, il ne s’ensuivait pas qu’elle dût, avec les années, se transformer en propriété au profit de l’usufruitier. Il convient en outre de rappeler que l’État a toujours reçu l’hommage des ministres des autels, qu’il a déterminé de temps à autre l’usage auquel les dîmes étaient applicables, qu’il a proclamé et maintenu la suprématie de ses cours sur les cours ecclésiastiques du royaume, spécialement dans les litiges relatifs au droit à l’impôt dont il s’agit. D’ailleurs, si la législation astreignait les citoyens à se dessaisir d’une partie de leurs biens en faveur du clergé de leur paroisse, si elle avait permis que certains domaines fussent réservés aux archevêques et aux évêques, aux doyens et aux chapitres, c’étaient là autant de droits