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montagnards; ce sont, nul ne l’ignore, les plus vertueux citoyens du royaume-uni. » Ce dernier trait est exact, et on découvrirait la preuve de l’extrême adoucissement des mœurs galloises dans l’allocution que le lord chief justice Cockburn adressait, en 1866, aux gentlemen du grand jury d’Anglesey. « Messieurs, disait-il, je vous félicite, cette année encore, votre comté a donné à la nation un éclatant exemple de sagesse, de pureté, d’honnêteté dans les transactions et dans la conduite. J’ai plaisir à vous annoncer que le rôle des assises est blanc et qu’aucun accusé ne comparaîtra à la barre. C’est là un état de choses dont vos compatriotes auront raison d’être glorieux, je ne puis qu’en souhaiter la continuation. » Au sud, le juge de circuit Shee saluait, par les paroles suivantes, la réunion du jury de Cardiff: « Honneur à la principauté! Depuis deux ans que j’y exerce les devoirs de ma charge, je n’ai eu, dans trois comtés, l’occasion de punir que six coupables. Je le déclare hautement, les habitans de cette heureuse contrée peuvent être proposés comme d’admirables modèles au reste des sujets de Sa Majesté.» Il ne faudrait pas croire qu’il ne s’agisse là que de quelques cas exceptionnels d’immunité criminelle. Il ne se passe guère d’année où pareille absence de délits n’amène des manifestations identiques. Hier encore, aux assises de Beaumaris et de Flint, le président constatait que le banc des accusés restait vide. Il faisait savoir aux jurés qu’ils étaient libres et à la clôture de cette session de juillet 1891 qui avait duré cinq minutes, il recevait, selon l’usage, la paire de gants blancs qu’offre en semblables circonstances au magistrat le haut shérif représentant de la reine.

Ce n’est donc pas à l’ignorance, ainsi qu’on l’a dit, moins encore à l’adresse avec laquelle il aurait su flatter les passions populaires que le non-conformisme doit son succès. La vérité est qu’il a adouci le caractère d’un peuple dont les anciens dominateurs avaient, comme à dessein, entretenu la rudesse. Il s’est efforcé de développer au fond d’esprits laissés incultes le goût d’une littérature nationale, dont ceux qui sont versés dans la connaissance du dialecte local ont célébré la douceur et le charme. Il a répandu à flots les revues et les journaux, il a donné à l’instruction un élan irrésistible. De bonne heure, les représentans de la rénovation religieuse ont compris que leur œuvre serait impérissable s’ils parvenaient à y rattacher, dès le berceau, les générations futures. Ils se sont opposés, de toutes leurs forces, à ce que les classes élémentaires restassent confiées à des maîtres du parti adverse, trop empressés à inculquer aux enfans l’éducation confessionnelle de leurs préférences. Ils ont lutté contre les efforts d’une certaine société nationale dont les principes, d’ailleurs affichés, tendaient à attirer les jeunes gens pour les élever selon les maximes favorites