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Il arrive se récriant ; on lui dit que la mission est plus militaire qu’autre chose ; le Danemark, violenté moralement par l’Angleterre en attendant qu’il le soit matériellement, a fait demander un général français pour diriger sa défense. Sous ce point de vue, la désignation était flatteuse ; mais, avant qu’il fût même arrivé à Paris, le malheur était fait, Copenhague bombardé, le Danemark éperdu. N’importe ; le premier consul voulut que Macdonald partît; il n’était pas impossible que l’alliance défensive de la Russie, de la Suède et de la Prusse ne se renouât en faveur de l’intéressant petit royaume. Il partit donc; en passant à Berlin, il apprit que la Russie avait fait son entente avec l’Angleterre; n’importe, il reçut l’ordre de poursuivre ; à Copenhague, on était en armistice, on négociait; il n’y avait plus pour lui rien à faire; n’importe, on le retint dans cette sorte d’exil cinq mois encore; il avait fort à se louer des Danois; mais leur bon accueil ne lui faisait pas oublier la France. Quand le traité d’Amiens eut rétabli une apparence d’accord avec l’Angleterre, il se crut au bout de sa peine, point, voici qu’on lui offre l’ambassade de Russie; énergiquement il refuse, et finit par obtenir son rappel.

« Je soupçonnais vaguement, a-t-il dit, que M. de Talleyrand avait des raisons que je ne pouvais pénétrer de me tenir éloigné. Je lui en avais écrit vertement ; toutefois comme on pouvait m’avoir prévenu contre lui ou l’avoir indisposé contre moi, je lui rendis visite. Sa réception fut froidement polie; je lui en fis vivement sentir l’inconvenance devant sa femme et quelques personnes ; je sortis brusquement, et depuis lors j’ai cessé toute relation avec ce personnage qui, par la suite, a dégradé de plus en plus son nom, son existence et sa position. Il a bien fait de temps à autre quelques tentatives de rapprochement, mais inutilement ; j’avais jugé la sécheresse de ses affections. Cependant, à la cour impériale comme à celle des Bourbons, son esprit souple, ses insinuations, ses intrigues avaient plus d’une fois satisfait l’ardeur de son ambition ; mais enfin mieux connu et apprécié, tous les partis se sont comme entendus pour le jeter de côté et le laisser jouir d’une charge à peu près insignifiante par ses fonctions[1] et vivre de regrets, si ce n’est de remords. Je m’étends trop longuement, je le sens, sur ce personnage, mais c’est parce que j’ai la conviction qu’il m’a beaucoup nui dans l’esprit du premier consul, en lui donnant des préventions et en insinuant que j’étais l’ennemi de son pouvoir. »

En effet, Macdonald fut, dès 1801, dans une sorte de disgrâce et, trois ans après, plus qu’en disgrâce, puisqu’on essaya de l’impliquer

  1. La charge de grand chambellan.