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— Je n’y puis rien. » — « Et autrefois, ajoute Macdonald, d’un signe, d’un geste, d’une parole brève, tout s’ébranlait; autrement il eût fait feu des quatre pieds! » Cependant l’empereur appela le major-général et fit marcher quatre bataillons de chasseurs. Quelque temps après, il arriva lui-même avec le reste de la garde. « Peut-on voir sans danger, demanda-t-il à Macdonald, la position de l’ennemi? — Sans danger, non, mais il faut risquer. — Eh bien! allons! » Presque au même instant, un obus éclata près de lui, d’ailleurs sans blesser personne; aussitôt il s’arrêta, mit pied à terre, et de tout le jour il n’y eut pas moyen de le tirer du bois. Enfin, grâce aux grenadiers à cheval et aux dragons de la garde, soutenus par un régiment des gardes d’honneur, grâce à l’artillerie de Drouot, — pourquoi distinguer? — grâce à l’effort commun de tous, car on savait bien qu’il fallait à tout prix vaincre ou mourir, les Bavarois furent contraints à la retraite. La route était dégagée ; mais Hanau, que l’on croyait évacué, ne l’était pas encore. Il faisait nuit : une masse confuse de voitures, de caissons, d’équipages de toute espèce sortait du bois ; on apercevait en avant la lueur rougeâtre d’une torche ; au voisinage de la ville, quelques coups de feu éclatèrent ; aussitôt la torche fit un à-droite, décrivit une courbe et rentra sous le couvert; c’était l’empereur qu’elle précédait. Le lendemain, on put traverser Hanau et de là gagner le Rhin.

A Mayence, l’empereur fît appeler Macdonald et le retint à dîner. La conversation roula sur les événemens militaires et politiques de cette année fatale. Pourquoi, au congrès de Prague, l’empereur n’avait-il pas fait les concessions que réclamaient les alliés? Ne lui laissait-on pas la France jusqu’au Rhin, l’Italie et le protectorat de la confédération helvétique? « Je n’ai pas consenti, dit l’empereur, parce que je craignais que les alliés, plus exigeans, ne me demandassent autre chose. — Mais alors pourquoi avez-vous fini, malheureusement trop tard, par y consentir? Si vous l’aviez fait à temps, vous eussiez rendu évident votre désir de la paix ; la France et l’armée vous en auraient su gré, et peut-être auraient-elles fait plus d’efforts pour la conquérir. Vous pouviez faire plus, vous débarrasser honorablement de ce ver rongeur qui détruit vos vieilles troupes en Espagne et ruine le trésor, en montrant une modération dont l’évidence eût frappé la France, vos armées et l’Europe, en rendant l’Espagne à elle-même. — Oui, cela est vrai, mais à présent il faut garder ce pays pour des compensations. »


VII.

La campagne de 1813 était finie; la campagne de 1814 allait commencer. Macdonald eut d’abord le commandement de la ligne