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sans cesse de centre, de forme et d’objet. A une sensation en succède une autre; les sensations peuvent provoquer des émotions, des pensées, des volitions, des actions; c’est le déplacement et la transformation de l’énergie mentale, parallèlement à l’énergie physique.

Il faut remarquer, à l’appui de notre thèse, que le cerveau est un organe double, comme les yeux ou les oreilles, tout au moins qu’il est composé de deux hémisphères. On a même prétendu que chacun des deux avait son individualité : La Mettrie disait que Pascal avait un cerveau fou et un autre intelligent. Beaucoup de physiologistes attribuent un certain nombre de folies et d’immoralités au cerveau droit, tandis que le cerveau gauche serait relativement un sage. Sans aller jusqu’à admettre cette a dualité cérébrale, » on comprend très bien qu’un des hémisphères soit généralement plus actif, par cela même plus facile à fatiguer, et que des déplacemens de travail puissent s’opérer entre les deux hémisphères. Il peut aussi se produire des cas de corrélation défectueuse entre l’énergie du cerveau droit et celle du cerveau gauche : les deux exécutans ne s’accordent pas toujours entre eux. Enfin, des échanges et déplacemens de tension nerveuse, par cela même d’activité mentale, ont lieu aussi entre le cerveau et la moelle épinière. Supprimez ou diminuez l’action du cerveau : vous augmentez par cela même l’intensité et la rapidité des actions réflexes provenant de la moelle ; sous la moindre irritation, les membres font des mouvemens convulsifs; exaltez, au contraire, l’activité dans le cerveau, « vous modérez ou inhibez » les actions de la moelle épinière. Dans les faits d’habitude, le travail descend du cerveau pour se distribuer à travers la moelle, et probablement, avec le travail, descendent aussi les sensations d’effort et de résistance, qui se distribuent dans les cellules médullaires. L’attention du pianiste, par exemple, passe de sa tête dans son troue, dans ses bras et dans ses doigts ; c’est une pièce d’or qui se change en menue monnaie. Aux diminutions de la conscience il faut donc ajouter ses déplacemens pour expliquer les états d’apparente inconscience.


III.

Il nous reste à étudier les dédoublemens et la désagrégation de la conscience. Mais parions auparavant de certains cas qui se rapprochent de l’état normal et où, à notre avis, on invoque trop tôt ces dédoublemens du moi. Nous trouvons en effet, de nos jours, à côté de ceux qui admettent l’inconscience absolue, d’autres psychologues portés à admettre dans un même individu trop de consciences