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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/825

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28 décembre 1880 a décidé que ce serait le droit, beaucoup plus élevé, de donation ou de mutation par décès. Par dérogation au droit commun, elle a établi que ce droit serait le même sur les meubles et sur les immeubles, et elle a considéré comme nulles toutes cessions antérieures faites entre vifs au profit d’un ou de plusieurs membres de l’association. Cette loi n’atteignait que les sociétés ou associations qui stipulaient des clauses de réversion. En 1884, on prétendit les atteindre toutes. Une loi nouvelle a frappé du droit d’accroissement toutes les sociétés ou associations, sans distinction, alors même qu’elles ne stipulent aucune clause de réversion; chose plus grave encore, alors même qu’il s’agit de congrégations autorisées ou d’associations investies de la personnalité morale, où l’accroissement ne peut pas se produire, par la force même des choses, puisque les associés n’ont aucune part de propriété, et que le patrimoine social appartient à l’association. Ainsi, chose inouïe, l’impôt frappe une fiction : le fisc réclame sa part sur un droit qui n’existe pas, que la loi dénie, et que les tribunaux refuseraient de reconnaître s’il était prétendu devant eux.

L’application aggrave encore le principe et le rend intolérable. Une doctrine qui n’est encore qu’à l’état de prétention, bien que plusieurs tribunaux l’aient consacrée, veut que ce droit exceptionnel et exorbitant soit régi, en pratique, par les règles ordinaires de perception, et particulièrement par celle qui exige une déclaration particulière dans chaque ressort de perception, avec un minimum de 2 fr. 25. Le fisc peut arriver ainsi à percevoir vingt-cinq fois la valeur de l’accroissement que l’impôt frappe. C’est la confiscation dans ce qu’elle a de moins voilé. On a calculé que, par le seul fonctionnement de cet impôt, toutes les associations qui ont de nombreux membres et beaucoup d’établissemens distincts seront ruinées en cinq ou six ans.

Pour atténuer les effets de cette désastreuse législation, il a été expliqué, dans la discussion des lois, qu’elles ne seraient appliquées, en fait, qu’aux congrégations religieuses. Mais le texte est tout à fait général et ne comporte aucune distinction. Celle qu’on y introduit après coup est une inconséquence et une injustice de plus.

Telle est la loi, si extraordinairement prohibitive qu’elle en devient, en fait, inapplicable. Depuis qu’elle existe, elle est violée journellement et perpétuellement. Innombrables sont les associations qui existent et fonctionnent sans autorisation de police : s’il fallait les poursuivre et les dissoudre, la moitié de la France serait condamnée. Non-seulement elles existent, mais elles ont des biens et des propriétés. Tant bien que mal, elles se servent des formes légales et se les adaptent : tantôt en se constituant en sociétés