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Nos représentans refusèrent leur adhésion, et devaient le faire. La politique française était toute tracée, si près d’une époque où l’Angleterre avait arbitrairement imposé des devoirs auxquels les navires de tous les autres peuples devaient se soumettre sous peine de confiscation, moins de quinze ans après qu’un ordre du conseil avait mis en état de blocus, contrairement au droit des gens, de l’Elbe à Brest, tous les ports, toutes les côtes de l’empire français, et provoqué les représailles du blocus continental : elle eût été commandée d’ailleurs à n’importe quelle autre date, l’exercice même du droit de visite tel que le comprenaient non-seulement le royaume-uni, mais les autres puissances, pouvant léser nos intérêts commerciaux, et les négriers porteurs du pavillon français devant rester, à tout prix, justiciables de la France.

Cependant l’Angleterre, n’ayant pu faire introduire dans la loi des nations par les grandes puissances le droit de visite réciproque en pleine paix à bord des navires soupçonnés de transporter des esclaves, résolut de le faire pénétrer peu à peu, par une série de traités séparés, dans le droit des gens conventionnel. La liste en est longue et le lecteur nous excusera de ne pas les énumérer. Il lui suffira peut-être de savoir que vingt-quatre traités sur cette matière unissaient en 1850 la Grande-Bretagne aux autres nations maritimes : dix de ces conventions admettaient le droit de visite avec toutes ses conséquences et l’établissement de tribunaux mixtes ; douze reconnaissaient le même droit de visite, mais maintenaient la juridiction des tribunaux nationaux.

Après la révolution de juillet, la France avait modifié son attitude et conclu successivement avec l’Angleterre les conventions du 30 novembre 1831, du 22 mars 1833. D’après ces deux actes, le droit de visite réciproque pouvait être exercé successivement, dans des parages déterminés, à bord des navires de l’une et de l’autre nations. Il s’agissait d’ailleurs du droit de visite tel qu’on l’entendait dans le vocabulaire commun des peuples maritimes, exercé dans toute son étendue. Le croiseur devait reconnaître non-seulement la régularité des expéditions, mais le caractère des opérations entreprises. D’après les instructions jointes à la seconde convention et qui en faisaient partie intégrante, il devait dresser et signer en double original un procès-verbal énonçant non-seulement l’époque et le lieu de l’arrestation, le nom du bâtiment, celui de son capitaine et ceux des hommes de son équipage, mais encore le nombre et l’état corporel des esclaves trouvés à bord, une description exacte de l’état du navire et de sa cargaison. La France se prêtait en outre, il faut bien le reconnaître, à une œuvre de propagande. L’article 9 de la première convention est ainsi conçu : « Les hautes parties contractantes au présent traité sont