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et, si l’une d’elles compte recevoir sans donner, elle se leurre, neuf fois sur dix, d’un espoir chimérique. Il ne faudrait donc pas trop s’indigner quand on nous aurait demandé quelque chose, et nous aurions seulement à discerner si notre sacrifice n’est pas en disproportion avec les résultats auxquels la France aurait coopéré. Mais avons-nous fait bien certainement une concession ? Presque tout le monde l’avoue. Nous nous bornerons à dire, pour ne pas rompre en visière à presque tout le genre humain, que nous avons fait une concession plus apparente que réelle.

L’article 45 de l’Acte général, qui donne à toutes les puissances signataires le droit de procéder à la visite réciproque, c’est-à-dire à l’enquête sur le chargement, selon l’état de choses établi par les conventions particulières, ne nous regarde pas, puisque nous avons refusé d’autoriser par voie de traité la visite de nos navires en temps de paix. Mais les trois articles précédens nous concernent. Par conséquent, si les croiseurs d’une des puissances signataires ont lieu de penser qu’un bâtiment naviguant sous pavillon français (d’un tonnage inférieur à 500 tonneaux et rencontré dans la zone « contaminée ») se livre à la traite, ou est coupable d’une usurpation de pavillon, ils pourront recourir à la vérification du pavillon. Un canot, commandé par un officier de vaisseau en uniforme, pourra être envoyé à bord du navire suspect, après qu’on l’aura hélé pour lui donner avis de cette intention. Enfin la vérification, à bord du navire arrêté, consistera dans l’examen des pièces suivantes : 1° en ce qui concerne les bâtimens indigènes[1], le titre autorisant le port du pavillon, le rôle d’équipage, le manifeste des passagers noirs ; 2° en ce qui concerne les autres bâtimens, les pièces stipulées dans différens traités ou conventions maintenus en vigueur. Quoique cette dernière clause ne modifiât point, on le verra bientôt, le régime auquel sont actuellement soumis les bâtimens de nationalité française, elle a motivé le renvoi de l’Acte général au gouvernement.

Peut-être l’Europe aurait-elle tort de trop s’étonner. Les peuples auxquels tout a réussi montrent aisément beaucoup de condescendance. Mackintosh a pu dire que le pavillon anglais s’honorait en se soumettant à l’investigation des navires étrangers et qu’il avait le droit, ayant bravé les puissans, de s’abaisser devant les faibles.

  1. Cette qualification s’applique (art. 31 de l’Acte) aux navires qui remplissent une de ces deux conditions : « 1° présenter les signes extérieurs d’une construction ou d’un gréement indigène; 2° être monté par un équipage dont le capitaine et la majorité des matelots soient originaires d’un des pays baignés par les eaux de l’Océan-Indien, de la Mer-Rouge ou du Golfe-Persique. » L’autorisation d’arborer le pavillon d’une des puissances signataires ne doit être accordée d’ailleurs, à l’avenir, aux bâtimens indigènes qu’à de certaines conditions et pour un certain temps » (art. 32 et suiv.).