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donc, dans les périodes difficiles, on s’était créé des facilités artificielles à l’aide de ressources exceptionnelles et à l’aide d’une majoration des évaluations jusqu’à concurrence de 71 millions, 105 millions et jusqu’à 145 millions, on a renoncé généralement depuis à ces procédés. »

On reprochait à nos gouvernans de recourir à deux procédés pour abuser l’opinion sur la situation financière. Le premier, dont, après ce qui précède, on ne saurait plus contester l’emploi, était d’enfler démesurément le chiffre des recettes ; le second, non moins critiquable, était de dissimuler le chiffre réel des dépenses, en rejetant une partie de celles-ci hors du budget, pour les mettre à la charge soit de la dette flottante, soit de comptes spéciaux qu’on ne pourvoyait point de ressources effectives. M. Cavaignac n’use point d’une franchise moindre sur le second procédé ; non-seulement il reconnaît que des dépenses considérables, « suivant qu’elles sortaient du budget ordinaire ou qu’elles y rentraient, en modifiaient singulièrement le caractère, » mais il en fait une énumération qui semble à peu près complète. « Ce sont, dit-il, les dépenses du budget extraordinaire, les subventions mises à la charge de la caisse des écoles, les supplémens de pensions, les reboisemens, les téléphones, les hôtels des postes et télégraphes mis à la charge de la caisse des dépôts et consignations, toute une série de dépenses dont l’imputation sur des ressources exceptionnelles ne peut se justifier que par les exigences d’une heure difficile, et dont la place au budget est marquée, parce qu’elles incombent à l’État. » Il ne manque à cette énumération que les garanties d’intérêts dues aux chemins de fer ; mais le rapporteur répare un peu plus loin cette omission en signalant ces garanties comme une des dépenses « qui avaient été retirées à tort du budget et qui devaient y figurer. »

Les dépenses qui ne pouvaient faire l’objet de comptes spéciaux étaient-elles inscrites exactement dans la loi de finance ? Un des reproches les plus fréquemment adressés aux ministres a été de restreindre intentionnellement leurs demandes de crédits, soit pour faire accepter plus aisément le principe d’une dépense, soit pour rendre l’équilibre du budget plus facile à établir ; puis, dès l’ouverture de l’exercice, de demander à des crédits supplémentaires ou extraordinaires les moyens de pourvoir à la dépense réelle. Ces mauvaises habitudes n’auraient-elles pas encore complètement disparu ? Le rapporteur se plaint que la commission du budget ait à pourvoir à 14 millions de dépenses, « que quelque prévoyance commandait d’incorporer au budget primitif. C’est le cas des dépenses du Dahomey et du Soudan, connues depuis longtemps, et que le souci de la régularité financière eût prescrit de faire figurer