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écrivain, à peine d’être convaincu ou tout au moins soupçonné de mensonge, ne devrait jamais donner au public l’histoire de son temps, qu’un souverain, qui, en montant sur le trône, défendrait, pour fermer la bouche aux flatteurs, qu’on publiât son histoire de son vivant, se couvrirait de gloire par cette défense. » Il ajoutait : « Pourquoi les gens de lettres n’auraient-ils pas assez bonne opinion des princes pour supposer cette défense, et assez de courage pour y obéir comme si elle était faite ? L’histoire, les princes, les peuples leur seraient également redevables. »

Le programme que Guillaume II avait esquissé à grands traits, un écrivain berlinois, M. Hermann Grimm, s’est chargé de le préciser et de le développer[1]. Il estime, comme son souverain, que les temps sont changés, que l’enseignement de l’histoire tel qu’on le pratiquait dans sa jeunesse ne peut plus convenir à la nouvelle Allemagne, que, tout Allemand étant devenu le citoyen d’un grand empire unifié, on ne saurait s’y prendre trop tôt pour le mettre au fait, pour lui faire connaître sa maison, les hommes qui l’ont bâtie et les hommes qui la gouvernent, pour lui enseigner aussi qu’à ses devoirs « envers son Dieu, envers son empereur et envers sa patrie, » s’ajoute celui d’être un bon électeur, d’envoyer siéger au parlement des députés dont les opinions soient correctes et qui ne pactisent jamais « ni avec l’ennemi du dehors ni avec l’ennemi du dedans. » Que peuvent lui apprendre à ce sujet Cornélius Nepos et Plutarque ? Qu’il sache avant toute chose ce qu’est l’Allemagne nouvelle, et par quel concours de miraculeux événemens elle est devenue la reine des nations !

Il faut se défier des fausses analogies. On a pu soutenir avec raison qu’en matière de géographie, la méthode naturelle ou rationnelle consiste à donner tout d’abord à l’enfant une idée nette et précise du canton où il est né. Vous l’emmènerez plus tard dans la boucle du Niger ou sur le plateau central de l’Asie, et vous passerez ainsi du simple au compliqué. Quelques diversités qu’offre le relief terrestre, la terre est partout la terre, et sans que votre écolier sorte de chez lui, vous pouvez lui expliquer sans peine ce que c’est que le partage des eaux, qu’une ligne de faîte, qu’une plaine, qu’un plateau, qu’une rivière, ses affluens et son bassin. Ces notions qui lui seront devenues familières, il les appliquera partout, et quand il connaîtra à fond le petit pays qu’il a sous les yeux, il lui sera plus facile de se représenter ceux qu’il n’a jamais vus et ne verra jamais.

Au surplus, le professeur de géographie a ce grand avantage que l’objet de son enseignement ne change pas. Vous avez expliqué à vos élèves que le ruisseau qui traverse leur village coule de l’est à l’ouest ;

  1. Deutsche Rundschau, Heft 12, september 1891 : Der Geschichtsunterricht in aufsteigender Linie ; ein Versuch, von Hermann Grimm.