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trouvaient plus que des preneurs défians, ayant des exigences léonines. Des intermédiaires officieux et intéressés lui ouvrirent la voie des emprunts. Il s’y précipita avec l’inconscience d’un prodigue obéré ; il joua la série, dirions-nous, si l’on voulait nous passer une si vulgaire expression, élevant, chaque fois, le taux de l’intérêt, jusqu’au jour où les marchés de l’Europe, prenant l’alarme, lui refusèrent tout crédit. Dès ce moment, la crise était ouverte ; les nombreux créanciers du vice-roi s’agitèrent, invoquant l’appui de leurs gouvernemens respectifs, qui durent s’interposer. La question d’Egypte, dès ce moment, reparaissait à l’horizon politique sous une forme nouvelle et assurément inattendue. Nous ne dirons des premiers incidens qui survinrent que ce qu’il importe de rappeler avant d’aborder les graves événemens engendrés par cette singulière situation.

La France et l’Angleterre, avec l’assentiment des autres puissances, intervinrent, à ce moment, à titre officieux, uniquement pour seconder les démarches de deux délégués, l’un Français, l’autre Anglais, M. Joubert et M. Goschen, que les créanciers de l’Egypte avaient munis de leurs pleins pouvoirs. On procéda à une information, à la suite de laquelle le khédive, sur leur proposition, ordonna la création de deux institutions nouvelles, imaginées pour assurer, avec une plus sage gestion des revenus du trésor, les garanties dues aux porteurs de toute catégorie des emprunts égyptiens. On fonda, en premier lieu, une caisse de la dette publique, qui fut dotée, par privilège, de certaines ressources exclusivement affectées désormais à son service. L’administration de cette caisse fut confiée à une commission composée de fonctionnaires européens, n’ayant aucune autre attribution, et en nombre suffisant pour que la plupart des puissances y fussent représentées. Grâce à cette combinaison, et moyennant certains avantages faits au gouvernement égyptien, mis à la charge des détenteurs de ses titres, on pensait avoir tout concilié. Mais il ne suffisait pas d’avoir corrigé les erreurs du passé, il fallait en prévenir le retour dans l’avenir, il fallait mettre le gouvernement égyptien en garde contre les égaremens qui lui avaient créé de si sérieux embarras. On proposa donc, d’autre part, au khédive, qui l’accepta, ce qu’on a appelé le contrôle, c’est-à-dire la désignation de deux agens compétens, l’un Anglais, l’autre Français, lesquels eurent pour mission d’éclairer les conseillers du prince et d’en obtenir la rigoureuse observation de ses nouveaux engagemens. Pour les mettre à même de remplir la tâche qui leur était confiée, on les autorisa à siéger au conseil des ministres, avec faculté de donner leur avis sur toute résolution pouvant intéresser le trésor public. C’était les