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à tout régler promptement, afin de hâter le départ des troupes des deux pays. La tâche eût-elle été difficile, eût-elle exigé de longs efforts ? L’entière soumission si lestement obtenue par l’Angleterre dit assez que les obstacles qu’elle a rencontrés eussent été plus aisément vaincus et surmontés avec le concours de la France.

Ce qui reste indéniable, c’est que la politique qui a prévalu à Paris n’a pas été heureuse ; on ne saurait en disconvenir. Elle nous a dépossédés du rang que nous occupions en Égypte et qui avait, pour nous, en raison de nos possessions dans le nord de l’Afrique, un intérêt de premier ordre ; elle a créé, en outre, entre les deux puissances occidentales, un dissentiment qui menace de se perpétuer et nuit visiblement à la cordialité de leurs rapports : il serait puéril, en effet, de se dissimuler que la question d’Égypte, telle qu’elle reste posée, exerce et ne cessera d’exercer une fâcheuse influence sur leurs dispositions respectives dans toutes les affaires d’un caractère international. Le ministère, qui s’est constitué l’organe de cette politique, en demeure assurément responsable, mais ne lui a-t-elle pas été imposée par les égaremens et les prétentions d’une chambre indisciplinée ? Cette assemblée, comme celles qui l’ont suivie d’ailleurs, obéissait à un esprit de domination qui l’a portée, dans plus d’une occasion, à s’exagérer sa puissance, et par conséquent à méconnaître l’autorité du pouvoir exécutif ; ses empiétemens sont encore visibles dans toutes les branches de l’ordre administratif, financier ou économique. Dans les questions de politique extérieure, elle intervenait prématurément pour dicter ses résolutions, entravant ainsi, si elle ne parvenait à la paralyser, la liberté d’action des ministères qu’une majorité inconsidérée, formée cependant d’élémens passionnément hostiles, renversait dès qu’ils se montraient réfractaires à ses volontés. Selon un mot resté célèbre, il fallait se soumettre ou se démettre : Gambetta, son auteur, n’a pas voulu se soumettre et son ministère n’a pas vécu trois mois ; M. de Freycinet s’est soumis, et, s’il a eu, à cette époque, une plus longue vie ministérielle, il n’a pas eu une meilleure fortune. On sait quel éclatant désaveu la chambre lui a infligé dès qu’il a voulu faire acte d’initiative et de résolution spontanée en voulant occuper le canal de Suez, de concert avec l’Angleterre. C’est que, fatalement, la confusion des pouvoirs, quand elle a envahi le mécanisme constitutionnel, engendre l’instabilité, qui engendre à son tour les plus funestes erreurs. Là est la source de nos revers diplomatiques ; on la chercherait vainement ailleurs. Avec Gambetta ou M. de Freycinet, le gouvernement de la République, qui était en somme bien et fidèlement renseigné, aurait trouvé sa voie et résolu la question d’Égypte, sans trouble et sans nul détriment pour nos intérêts, qu’il fût allé à Alexandrie avec l’Angleterre ou