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congrès, les espérances de son parti. Cinq fois réélu, il ne tarda pas à se révéler comme un « conducteur d’hommes. » A chaque session son autorité s’affirmait ; tout et tous la désignaient pour les plus hautes destinées. Aussi, lorsqu’en 1885 le président Santa-Maria appela Balmaceda au pouvoir en qualité de ministre des affaires étrangères, ce choix fut-il universellement applaudi. Il consolidait le ministère ; il lui apportait une force réelle et un incontestable prestige.

Le Chili était alors à l’apogée de sa fortune. En quatre années, de 1879 à 1882, il avait triomphé de la coalition du Pérou et de la Bolivie. Victorieux sur terre et sur mer, à Iquique et à Punta Agamos, à Dolorès, à Pisagua, à Tarapaca, Tacna et Arica, il avait, dans les sanglantes batailles de Miraflorès et de Chorillos, brisé l’héroïque résistance des Péruviens et dicté la paix dans les murs de Lima, jonchée de cadavres. La fortune du Pérou et de la Bolivie avait sombré dans cette lutte d’où le Chili sortait enrichi des dépouilles de ses ennemis, ayant fait l’épreuve de ses forces, et désormais reconnu la première des républiques de l’Amérique méridionale. Avec Domingo Santa-Maria, élu président le 18 septembre 1881, une ère nouvelle s’ouvrait, ère de paix et de prospérité. Né en 1825, le nouveau président apportait dans l’exercice de ses fonctions, outre la maturité de l’âge, l’expérience de l’adversité. Deux fois banni, émigré en Europe, tour à tour exilé, puis rappelé, il terminait dans la magistrature suprême une carrière politique semée de traverses.

Le succès semble appeler le succès. Heureux dans la guerre, le Chili ne l’était pas moins dans la paix. A ses extensions territoriales qui, reportant sa frontière à sept degrés au nord, lui donnaient les riches gisemens d’or, de salpêtre, de nitre et de guano d’Antofagasta et de l’Atacama, correspondaient des excédens annuels de recettes : 115 millions en 1882, 105 en 1883, 50 en 1884, 75 en 1884, 135 en 1886. Même accroissement dans le mouvement des échanges qui, en cinq années, passaient de 455 millions de francs à 650 millions. Favorisé sous le rapport du sol et du climat, le Chili, qui venait de prouver sa vitalité puissante, son esprit d’ordre et d’organisation, voyait affluer chez lui les capitaux étrangers attirés autant par sa stabilité financière que par sa stabilité politique, par la facilité avec laquelle, la guerre terminée, il avait licencié son armée, désarmé sa flotte et consacré ses efforts au développement de ses ressources naturelles.

Ces ressources étaient grandes. Cette étroite et longue bande de terre qui, tournant le dos à l’Europe, se déploie sur près de 4,000 kilomètres de façade au long de l’Océan-Pacifique, comporte trois