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vivres ; ses ateliers de réfection de cartouches, de réparation d’armes ; où sont réunis les femmes, le bétail volés ; en un mot, ses approvisionnemens de toute espèce et son butin.

Tels sont les repaires de Ké-Thuong au nord de Cho-Moï, ceux du Nui-Da-Bo ; l’ancien repaire du Caï-Kïn dans le Nui-Dong-Naï, le nouveau repaire des bandes du Yen-Thé, au nord de Hu-Thué, etc.

L’emplacement exact de ces repaires est d’ordinaire connu des seuls pirates. Pour s’y rendre, il faut quelquefois cheminer en pleine forêt vierge par des sentiers qui ne sont que des pistes de bêtes fauves, s’engager dans de longs couloirs étroits, formés par des murailles verticales de granit ; gravir des cols escarpés laissant à peine passage à un homme, ou bien suivre, pendant plusieurs heures, sous bois, pour tout sentier, le lit d’un torrent sur lequel s’embranche, en un point donné, une piste dissimulée dans la brousse et qui mène au repaire.

Des refuges, des campemens, sorte de dépôts secondaires destinés à recevoir provisoirement les prises, à effectuer les premières opérations d’échange et de vente, sont en outre construits par chaque bande aussi près que possible des zones exploitées par elles, et à une distance du delta variable selon la proximité et l’importance des postes militaires voisins.

Les chefs de bandes annamites ne craignent pas d’établir parfois ces refuges secondaires dans les villages mêmes des confins du delta, dont les habitans sont à leur entière dévotion : Cao-Thuong, Luoc-Ha, dans le Yen-Thé ; les villages de l’île des Deux-Song, du Mont-Bavi, etc., ont longtemps servi de résidence et de dépôt aux chefs des bandes qui exploitent ces contrées.

Les Chinois placent de préférence ces campemens dans la région boisée, à la naissance de plusieurs vallons ou ravins, près de la ligne de partage des eaux ; ce qui leur permet, le cas échéant, de faire passer rapidement leur butin de l’un dans l’autre de ces vallons, selon la direction de l’attaque, et de le soustraire à la poursuite des colonnes.

Des postes avancés fortifiés pour quarante à cinquante hommes sont établis à 700 ou 800 mètres des repaires et refuges et sur les sentiers qui y mènent ; ces derniers sont barrés par des coupures, par des palissades, par des petits piquets ; des embuscades sont tendues sur la lisière des bois et le long de ces sentiers, d’une manière si ingénieuse qu’aucun indice ne révèle à une troupe en marche qu’une coulée a été pratiquée, dans le bois, parallèlement au sentier qu’elle suit et à deux ou trois mètres de ce dernier ; et qu’enfin celle-ci est occupée par des pirates qui attendent que la