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gouvernement de Tewfik-Pacha, en nous efforçant de lui inspirer une confiance absolue et exclusive dans notre appui ? Mais il pourrait arriver que des circonstances étrangères à notre volonté vinssent ébranler le gouvernement du khédive. Serait-il prudent que la France et l’Angleterre se laissassent prendre au dépourvu par une catastrophe de ce genre ? En un mot, je pensais qu’il serait utile que les deux gouvernemens se missent d’accord, sans plus de retard, sur les moyens les plus propres soit à prévenir une crise, s’il est possible d’en empêcher l’explosion, soit à y remédier, si elle est inévitable[1]… »

Le cabinet britannique accueillit, avec une sorte d’empressement, la proposition de Gambetta, et il fut rapidement convenu que les agens des deux gouvernemens feraient part au khédive de leur entente et de leurs intentions. A la demande de lord Granville, Gambetta se chargea d’arrêter les termes des instructions qui leur seraient adressées. La rédaction, ainsi préparée, reçut ne varietur l’assentiment du principal secrétaire d’État de la reine, et lord Lyons en informa le ministre français le 6 janvier 1882, avec une réserve sur laquelle nous aurons à revenir. Les circonstances devenant de plus en plus pressantes, la déclaration, élaborée à Paris et agréée à Londres, fut transmise par le télégraphe, et les représentans de la France et de l’Angleterre en donnèrent connaissance au khédive, le 8 janvier, dans la même audience[2].

La France et l’Angleterre se trouvaient donc solidairement

  1. Dépêche du 15 décembre 1881 à M. Challemel-Lacour, ambassadeur à Londres.
  2. La note était ainsi conçue : « Vous avez été chargé à plusieurs reprises déjà de faire connaître au khédive et à son gouvernement la volonté de la France et de l’Angleterre de leur prêter appui contre les difficultés de différente nature qui pourraient entraver la marche des affaires publiques en Égypte. Les deux puissances sont entièrement d’accord à ce sujet, et des circonstances récentes, notamment la réunion de la chambre des notables convoquée par le khédive, leur ont fourni l’occasion d’échanger leurs vues une fois de plus. Je vous prie de déclarer, en conséquence, à Tewfik-Pacha, après vous être concerté avec sir Edward Malet, qui est invité à faire, simultanément avec vous, une déclaration identique, que les gouvernemens français et anglais considèrent le maintien de Son Altesse sur le trône dans les conditions qui sont consacrées par les firmans des sultans et que les deux gouvernemens ont officiellement acceptées, comme pouvant seul garantir, dans le présent et pour l’avenir, le bon ordre et le développement de la prospérité générale en Égypte, auxquels la France et l’Angleterre sont également intéressées. Les deux gouvernemens, étroitement associés dans la résolution de parer, par leurs communs efforts, à toutes les causes intérieures ou extérieures qui viendraient à menacer le régime établi en Égypte, ne doutent pas que l’assurance publiquement donnée de leur intention formelle à cet égard ne contribue à prévenir les périls que le gouvernement du khédive pourrait avoir à redouter, périls qui, d’ailleurs, trouveraient certainement la France et l’Angleterre unies pour y faire face, et ils comptent que Son Altesse elle-même puisera, dans cette assurance, la confiance et la force dont elle a besoin pour diriger les destinées du peuple et du pays égyptiens. »