cherche toujours son avantage aux dépens du Cap. Un esprit de sourde hostilité règne à cette heure entre Cape-Town et Pretoria.
Ce qui s’accomplit sous nos yeux dans l’Afrique australe dérive surtout de ce grave désaccord et du rude coup porté par l’Allemagne au rêve afrikandériste par son apparition au sud du Zambèze. Un moment on a pu croire qu’il y avait là une lutte très vive entre les cabinets de Londres et de Berlin. Toutes les apparences étaient pour. Or, des faits nombreux, décisifs, détruisent cette supposition. Les deux puissances, là comme ailleurs, ne demandent qu’à s’entendre. La vraie lutte est celle d’une colonie autonome qui, craignant l’Allemagne, s’appuie sur l’Angleterre au risque de la compromettre, et d’une république quasi-indépendante qui, craignant l’Angleterre, croit s’appuyer sur l’Allemagne et la rend suspecte. C’est un combat de reines, comme nous l’annoncions en parlant d’échiquier ; les rois se regardent amicalement d’un camp à l’autre, ils échangent des politesses, se visitent au plus fort de l’action et ont tout l’air de penser qu’ils resteront à eux deux maîtres de la partie, sans mat d’aucun côté. Mais lorsqu’une pièce capitale, en parcourant les cases, semble poussée par une autre main que celle qui dirige son roi, le jeu devient étrange, incohérent, inexplicable. Telle la colonie du Cap. Pour comprendre sa marche il faudrait savoir d’abord jusqu’où va son autonomie. Comment le saurions-nous ? Son passé nous est à peine connu. Depuis les jours du naturaliste français Levaillant, qui publia sur la fin du siècle dernier les relations de ses voyages à travers l’Afrique australe, ce coin du globe n’a guère fixé notre attention. Longtemps il n’excita quelque intérêt, chez nous, que dans le monde protestant, grâce à l’œuvre de la société des missions évangéliques de Paris dans le Lessouto ou Bassoutoland. Le seul ouvrage considérable qu’on ait entrepris sur l’histoire du Cap et des pays circonvoisins a paru en langue anglaise ; il s’arrête précisément là où nous aurions le plus grand besoin d’un fil conducteur. L’écrivain, M. George Mac Call Theal, ancien conservateur des archives de Cape-Town, est abondamment informé, minutieux même, et, ce qu’il faut chercher avant tout en cette facile matière à parti-pris politique, sans préventions. Seulement il ne nous mène pas au-delà de l’année 1795, sauf dans deux volumes spécialement consacrés aux républiques hollandaises.
Sur l’histoire de la colonie, après l’arrivée des Anglais, sur son évolution si intéressante vers l’indépendance, il n’existe presque rien. Nous avons cherché à combler cette lacune comme on peut le faire en quelques pages, et, pour cela, nous avons commencé