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argumens en faveur d’une décentralisation bien comprise. Seulement, prenons-y garde : elle y verra sans difficulté où mène la décentralisation mal entendue, et comme nous ne connaissons ni l’Australie ni le Canada, c’est le Cap qui va nous servir d’exemple. Il ne s’agira nullement de rabaisser le bien que l’autonomie lui a fait. Elle lui en a fait beaucoup, autant que de mal, infiniment plus qu’à la métropole, et les métropoles, au bout du compte, ont aussi à se préoccuper de leurs intérêts. Nous ne venons pas décrier ce pays, car nous l’aimons. Puisse-t-il grandir et prospérer, puisse-t-il se souvenir toujours, comme il s’en souvient, d’une France qui fut l’aveugle patrie des huguenots émigrés, mais fut leur mère, d’une France plus juste aujourd’hui et plus douce à tous ses fils, assez philosophe pour ne pas s’indigner du complet anéantissement de sa langue au contact de celle de Bilderdijk, ce Delille Hollandais !

Quant à l’Angleterre, on la voyait, il y a peu de temps, gênée par l’autonomie de Terre-Neuve, dans ses négociations avec la France. On l’a vue gênée, presque compromise par l’autonomie du Cap, en face de l’Allemagne, à propos de la baie Valfich. Ou bien tout cela, par hasard, n’aurait-il été qu’un jeu ? Aurait-on trouvé une manière commode d’éluder quelques obligations, d’éconduire quelques réclamateurs, de cueillir en passant quelques petits avantages en se retranchant derrière des colonies ? Ne nous hâtons pas trop de le supposer. Quand on sait le peu qui reste d’une autorité britannique dans ces dépendances assujettissantes et ces possessions possédantes, on plaint presque la diplomatie relevant d’elles. Car elle peut, à l’occasion, exagérer son embarras, mais en réalité, elle n’est pas toujours maîtresse de sa clientèle. Si elle proteste que ce n’est pas son désir de méconnaître les traités, d’envenimer les disputes, de pleurer les gages de bon vouloir, eh ! n’en doutons point. C’est une mère dont les garçons, et pis encore, les filles s’émancipent souvent plus qu’elle ne s’en soucierait. En retraçant les circonstances qui aboutirent à l’autonomie du Cap, nous ne serons pas très férus d’admiration. Mais, si les erreurs se paient, les consolations, en ce monde, sont moins rares qu’on ne penserait. Celle de nos voisins sera principalement d’avoir donné un exemple utile à ne pas suivre. Celle du Cap, d’avoir beaucoup profité d’une chose dont il avait passablement souffert. La nôtre, de constater que nous ne sommes pas les seuls à commettre des fautes en politique coloniale.

Nous retiendrons en tout cas qu’il ne faut traiter ni l’adolescence comme l’enfance, ni la jeunesse comme l’âge mûr.

Enlevé par l’Angleterre, en 1795, à la compagnie néerlandaise