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l’auditeur général des comptes était exclu du cabinet, comme le collecteur des douanes, et on les remplaçait par les chefs de deux départemens créés, le commissaire des travaux publics et du domaine, le secrétaire aux affaires indigènes. Ceci laissait à cinq le nombre des ministres.

Sous ce régime, le gouverneur est le seul fonctionnaire relevant du pouvoir métropolitain, et encore, bizarre inconséquence, est-il payé par la colonie. Les ministres nomment à tous les emplois, administrent sous leur responsabilité personnelle. Enfin il y a là un parlement aussi maître chez lui que son grand aîné des bords de la Tamise, légiférant dans son ressort avec la même indépendance. La sanction royale a été réservée ; toutefois la couronne anglaise ne s’est jamais mise en conflit avec le parlement colonial. Reste, il est vrai, l’omnipotence que le parlement britannique lui-même réclame en doctrine partout où le soleil éclaire un morceau de l’empire ; et voilà précisément le germe des difficultés futures.


Quand les lampions s’éteignirent sur la rampe déserte, quand le sénat eut apostille l’acte de 1872 avec la devise de M. de Roubaix : D’ores en avant, — un groupe bruyant envahit tout à coup la parade de Cape-Town, vaste place servant aux revues militaires. On fit un grand monceau de bois mort et de paille ; dessus, on plaça deux mannequins et on y mit le feu. L’un des bonshommes ainsi brûlés en effigie brandissait cet écriteau : « de Roubaix ; » l’autre : « docteur Hiddingh. » Ce fut la vengeance du parti hollandais. M. de Roubaix, surtout, fut frappé d’ostracisme. Privé de son siège, atteint dans sa fortune, son vote agréable au gouvernement anglais ne lui a pas porté bonheur.

Mais les temps sont bien changés. Le parti hollandais avait dit comme le grand-prêtre troyen : Je crains les Grecs jusque dans leurs présens. Aujourd’hui, après dix-huit ans d’expérience, il ne regrette plus son échec d’alors. Il s’est fait au régime parlementaire, il l’exploite, il y gagne, et c’est du côté anglais qu’on attaque ce mode de gouvernement avec des phrases empruntées au défunt boulangisme.

Si quelqu’un touchait à l’arche sainte de 1872, qui brûlerait-on ? Ce serait peut-être un roi ou une reine. Supposons que, malgré son grand âge, M. Gladstone reprenne le harnais des affaires, et que sa fierté d’Anglais, un jour ou l’autre, ne lui permette pas d’aller jusqu’au bout de son libéralisme colonial, — ce serait peut-être M. Gladstone.

En tout cas, le premier à frotter l’allumette serait certainement un Hollandais du Cap.