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campagnes pour y donner des leçons : toute femme qui ne filera pas sera condamnée à une amende.

Les routes étaient défoncées, recouvertes d’eaux et de broussailles : il les dessèche et les défriche, et comble les trous. Les rivières sortaient de leurs lits encombrés de vase : il cure les lits et les y fait rentrer. Il ouvre des routes nouvelles et creuse et rectifie des fleuves pour les rendre navigables. Ici, comme à la bâtisse, l’armée travaille avec les paysans et les ouvriers. C’est qu’il faut tout de suite faire circuler les marchandises et ouvrir les débouchés. Le roi a déjà traité avec une compagnie russe, qui achètera du drap de Kœnigsberg pour l’armée de la tsarine. Il espère que les paysans vont exporter leur bétail et leur beurre, et ne veut pas que le commerce de Prusse demeure aux mains des Hollandais et des Anglais qui « sucent la graisse de son pays. » — « Toutes les nouveautés que j’ai faites pour le commerce, Dieu le sait, dit-il, et que j’ai fait cela pour que le plat pays florisse. »

Il défend sa plantation de Prusse contre les ennemis du travail de l’homme. C’est au retour d’un voyage dans ce pays qu’il a écrit : « Ici, il y a autant de loups que de moutons. » Les paysans, impuissans à défendre leurs moutons, laissaient troupeaux et maisons, et s’en allaient : le roi organise de grandes chasses et offre des primes aux tueurs de loups ; le mal était si grand que la prime monte de 1 à 16 thalers par tête de vieux loup. La même guerre est faite aux ours et aux sangliers, mais les petites bêtes sont aussi méchantes que les grosses ; les moineaux prélèvent plus que la dîme sur les fruits de la terre et des arbres : chaque paysan devra présenter chaque année un certain nombre de têtes de moineaux, selon son rang dans la société ; le propriétaire 12 têtes et le berger 6. Par centaines de mille sont massacrés ces malfaiteurs.

Le roi se mesure avec un ennemi plus cruel encore, la peste des animaux. Toutes les précautions imaginables, il les a prises, amendées et perfectionnées. Il impose au bétail qui vient de l’étranger des certificats d’origine et des quarantaines. Il ordonne que les cadavres des animaux soient enterrés avec cornes et peaux et saupoudrés de chaux, à cinq aunes de profondeur, afin que l’herbe qui poussera sur ces sépultures ne donne pas la contagion aux chiens et aux corbeaux qui la transporteraient ensuite. Il prescrit la surveillance des bêtes malades et la purification des vêtemens des pâtres qui les soignent, et l’isolement des lieux infectés, d’où ne sortiront ni bêtes ni gens. Pour les contrevenans, il édicté des peines terribles, même la mort, qui ne lui coûtait guère, comme on sait : l’équarrisseur qui sera convaincu d’avoir dépouillé une