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au nord, sur les bords de la Loire, les seigneurs d’Aix d’Angillon, de la Chapelle, de Menetou, de Château-Gordon, de Saint-Satur, de Concressault, d’Argent et d’Aubigny. Par suite d’alliances, les sires de Sully-sur-Loire se mêlèrent aux familles nobles du Berry. De celles-ci, je ne parlerai que lorsqu’elles joueront un rôle dans l’histoire de la féodalité berrichonne. Leur réputation n’était pas toujours des meilleures. C’est ainsi qu’à la fin du Xe siècle, un seigneur Herbert de Seuly, possesseur d’immenses biens dans le Berry, ne se rendit fameux que par le grand nombre d’abbayes dont il s’empara par dol et violence. C’était sa spécialité. Il ne se bornait pas à piller ce qu’il y avait de bon à prendre dans le voisinage de son château, il allait, jusqu’aux rives de la Saudre, enlever à l’abbaye de Saint-Sulpice de Bourges une église ! Elle resta dans la famille d’Herbert, jusqu’à ce que la veuve et les enfans d’Archambaud de Sully, torturés par les remords, l’eussent restituée à son propriétaire. Par église, il faut entendre les terres qui en dépendaient, les redevances, le cens, les dîmes, les offrandes, les sépultures, les baptêmes, les relevailles des femmes en couche, la bénédiction des noces, la visite des malades, les confessions, la veillée auprès des morts, en un mot, ce qu’on appelait alors un fief presbytéral. C’était une excellente mine dont beaucoup de grands seigneurs enlevaient l’exploitation aux abbés et aux moines. Grâce aux flammes de l’enfer dont les religieux menaçaient ceux qui les dépouillaient, il y avait parfois restitution, comme ce fut le cas pour l’église dérobée par Herbert ; le prêtre, alors, faisait insérer dans l’acte de restitution d’effroyables malédictions contre ceux qui en méconnaîtraient la légitimité ; puis il prenait l’engagement de faire dire des messes à perpétuité pour le repos de l’âme repentante, d’inscrire son nom sur l’obituaire du couvent et de lui donner une sépulture dans un lieu couvert et sanctifié. Les dalles sous lesquelles dorment dans de très vieilles basiliques tant de morts aux épitaphes élogieuses peuvent bien ne recouvrir parfois que des sujets peu dignes de vénération.

Sur la rive gauche de l’Indre, en face de ce qui est aujourd’hui Châteauroux, à l’époque lointaine où nous sommes encore, il y avait une autre seigneurie du nom de Déols, et qui fut la plus puissante du Berry. L’origine des seigneurs de ce nom remonterait jusqu’à un sénateur romain du nom de Léocade, qui s’allia à une des plus grandes familles de la Gaule vaincue. L’un d’eux, Ebbes le Noble, à son retour de Jérusalem, avait fondé dans l’enceinte de son propre palais un monastère qui fut suivi de l’édification d’une abbaye célèbre du nom de Saint-Gildas. La cérémonie