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LE BERRY.


de fondation du monastère eut lieu en 917, en présence du duc de Guyenne, le vieux Guillaume. Il n’en reste plus aujourd’hui, ainsi que de l’abbaye, que des ruines superbes. Noblesse obligeait à Déols, et ce serait vainement que dans la longue lignée de ses seigneurs, dont le cri de guerre était Hierusalem ! Hierusalem ! on chercherait un mécréant du genre d’Herbert. Ce fut Ebbes le Noble qui repoussa une invasion de Magyars chassés par je ne sais quelle tourmente de Hongrie jusqu’en Berry. Il les battit à Châtillon-sur-Indre, à Loches, puis à Orléans. Son fils Radulf ou Raoul, craignant que l’animation guerrière qui régnait au siège de sa résidence ne troublât les moines du monastère, le leur abandonna, pour construire sur la rive opposée de l’Indre, à un kilomètre de Déols, un château-fort qui prit le nom de Château Raoul, et dont nous avons fait Châteauroux. Ses fossés aux épaisses murailles, ses fenêtres étroites, sa toiture élancée et pointue, ses mâchicoulis largement ouverts, donnent bien l’idée de l’architecture féodale de ce temps-là. Le dernier abbé de l’abbaye de Déols se nommait Piau ; il mourut en 1622. Henri II, prince de Condé, fit séculariser cette abbaye, ou pour mieux dire, il la fit supprimer par le pape Grégoire XV, pour mieux s’emparer des biens immenses dont elle se composait. Quant au dernier seigneur de Déols, Raoul VII, il mourut à Ravenne, à son retour de la terre-sainte. Ses deux fils s’étaient noyés en chassant sur l’étang de Grammont, situé dans la forêt de Châteauroux, et c’est à la suite de cette double catastrophe que leur père, au désespoir, avait entrepris son voyage en Palestine. Denise, sa fille, âgée de trois ans, hérita de biens immenses, qui s’étendaient du Cher à la Gartempe, un affluent de la Creuse, et comprenant presque tout le Bas-Berry. Au sud-est, ils passaient le Cher pour se prolonger sur sa rive droite. C’était un héritage de roi. Henri II, d’Angleterre, prit d’office la tutelle de Denise. On verra plus loin, par les prétentions que Philippe-Auguste éleva au sujet de cette tutelle, quelles calamités s’abattirent sur le Berry aquitain.


Edmond Plauchut.