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La liquidation du passif laissé par George touchait à sa fin, et comme, depuis qu’on ne montrait plus de mauvaise volonté à leur endroit, les d’Escoublac étaient devenus d’une discrétion parfaite, on ne fuyait plus devant le baron quand il se présentait au Vignal ; même on les invitait officiellement tous deux dans les grandes occasions, pour l’adoration et la fête votive de Salviac, et aussi le jour du mardi gras pour faire carnaval et leur permettre de manger la tourtière comme tout le monde.

Ainsi que Génulphe l’avait reproché au baron, ce mariage avait ouvert une large brèche à la fortune des Dupourquet, mais l’épreuve maintenant était subie, et l’on avait comme le soulagement de se dire que la débâcle eût pu être plus complète encore, irrémédiable, si George avait vécu, que ce n’était en somme qu’une leçon très dure dont on profiterait, un mauvais rêve envolé qui ne reviendrait jamais plus.

Et l’on avait pris à cœur de remettre le Vignal dans l’état d’aisance modeste où il était avant le mariage, de balayer hors de la maison tout ce qui restait de cette époque de dissipation et de folies, les voitures, les chevaux, les chiens, et ce surcroît de valetaille insolente qui n’était d’aucun secours à la terre, s’engraissait à ses dépens, comme un nid d’insectes rongeurs sur les racines d’un arbre.

Maximi, que George avait renvoyé à l’exploitation, fut derechef promu aux triples fonctions de jardinier, de cocher et de valet de chambre pour les rares occasions où il fallait frotter le salon ouvert seulement aux jours de soleil comme par le passé ; et la grise, retour de la charrette et de la herse, traîna seule désormais la famille dans une calèche d’occasion achetée à Cahors, et qui rappelait de loin l’américaine.

Ils en étaient sagement revenus là, les Dupourquet, et ils éprouvaient à retrouver leurs vieilles habitudes d’économie, leur façon bourgeoise de vivre, un véritable bien-être, une joie d’exilés que l’on rapatrie.

De même que jadis, pendant les absences de George, le Terrible mangeait à table, très à l’aise dans sa tenue négligée de vieux rustre, sans cravate, la chemise ouverte sur sa poitrine embroussaillée de poils gris, et il vibrait à pleine bouche édentée son patois, donnait des conseils comme il eût intimé des ordres, en aïeul pédant qui sait tout.

Et tous comme lui reprenaient leurs physionomies naturelles, l’inappréciable simplicité de leurs goûts. Mme Dupourquet, attelée de-ci de-là aux mille besognes de l’intérieur, restait en souillon une grande partie du jour, Thérèse s’occupait du linge, des comptes et de la basse-cour comme avant son mariage, et Génulphe, qui allait