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haut encore, le ministre, qui sont enserrés dans des programmes définis, qui n’ont qu’un minimum d’initiative, et qui, enfin, peuvent, en quelques heures, s’éclairer au moindre doute, ceux-là, on exige qu’ils aient attesté leur capacité professionnelle par les redoutables épreuves des concours d’agrégation. Les ingénieurs, étreints, eux aussi, dans une hiérarchie formidable, et dont la plupart, dans toute leur vie, ne conduisent que des travaux à peine dignes d’un agent-voyer, les ingénieurs ont à subir des examens dont la seule préparation fait d’eux des savans. J’en pourrais dire autant de bien d’autres. Mais les fonctionnaires des colonies, appelés, loin de la patrie, loin de tout conseil et parfois de tout contrôle, à exercer, parmi des populations mal connues, les fonctions les plus délicates et les plus variées, avec les pouvoirs les plus vastes, on les admet dans la carrière de plano, sans concours, sans garantie. Sans doute l’administration des colonies a, depuis des dizaines et des dizaines d’années, multiplié les circulaires et les règlemens sur la nomination et l’avancement de ses fonctionnaires ; sans doute, elle a institué des examens aux programmes minutieusement arrêtés. Mais, sauf pour le commissariat et l’inspection, corps remarquablement recrutés, ces programmes sont enfantins, et ces épreuves dérisoires. Il y a bien l’école coloniale, laquelle assurément constitue sur l’état antérieur un immense progrès ; mais outre qu’elle est encore, à certains égards, défectueuse, elle fonctionne depuis trop peu de temps pour avoir donné des résultats appréciables. En sorte que, jusqu’à présent, malgré ces circulaires, ces arrêtés, ces décrets, ces programmes et ces examens, en dépit même des efforts de l’administration centrale et de sous-secrétaires d’État fort distingués, on peut affirmer, — et je l’ai démontré ailleurs avec une profusion de preuves techniques, — qu’à de rares exceptions près, les meilleurs fonctionnaires du service colonial sont encore ceux dont la nomination est due à la faveur.

Après cela, il n’est peut-être pas inutile de rechercher comment les Anglais ont, principalement au moyen de concours, assuré le recrutement de leurs fonctionnaires de l’Inde, c’est-à-dire, pour ce qui nous occupe ici, de leurs fonctionnaires de Birmanie, province de l’Inde.

III.

Le mode de recrutement des fonctionnaires de l’Inde repose sur un certain nombre, je n’ose pas dire de principes, mais de constatations et même d’hypothèses qui, après une expérience déjà