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Autrement où irions-nous ? La délimitation exécutée en 1885, par M. Wrey, arpenteur au service du Cap, fut contestée par l’Allemagne, qui réclamait un plateau servant de terrain de pâture au bétail du village indigène de Schepmansdorp. C’est, paraît-il, le seul endroit où les voyageurs venant du port allemand de Sandwich-Hafen et allant à Okahandja puissent trouver de l’eau, sans la chercher à la baie même de Valfich. La route de l’intérieur passe donc, pour les Allemands, sur ce plateau, et ne peut passer que par là. De l’autre côté, on objectait que la frontière proposée séparerait le village de Schepmansdorp de ses terrains de pâturage : les naturels relèveraient ainsi de deux juridictions. Deux fois l’Angleterre et l’Allemagne ont nommé des commissaires pour régler ce différend, sans parvenir à s’entendre. Quant au Cap, il a toujours soutenu qu’en fait la frontière Wrey est la seule possible, et qu’en principe rien ne se fera de valable sans son aveu. Finalement, les cabinets de Berlin et de Londres ont réservé cette délicate question par l’article 3 de leur convention du 1er juillet 1890. Si l’affaire n’est pas arrangée par consentement mutuel dans un délai de deux ans, on aura recours à l’arbitrage international, et, en attendant, les puissances contractantes s’engagent à considérer comme neutre le territoire litigieux.

C’est au lendemain de cet accord que le parlement de Cape-Town tint deux remarquables séances, le 29 juillet et le 1er août, deux séances où se formula, comme jamais auparavant, une doctrine de Monroe sud-africaine. A son banc de député, le brillant avocat qui s’appelle sir Thomas Upington et qui ne s’est pas plus consolé de la perte du littoral sud-ouest que Marie Tudor de celle de Calais, instruisit avec une fougue tout irlandaise le procès rétrospectif de lord Derby. Il exposa aussi le sentiment du Cap au sujet de son territoire de la baie Valfich. Il se plaignit très haut de ce que l’Angleterre, loin d’encourager l’espoir d’une renonciation de l’Allemagne au pays environnant, tolérait l’expansion de cette puissance jusqu’au Zambèze. M. Cecil Rhodes appuya le discours de son collègue comme chef du cabinet, et la chambre, par assis et levé, à l’unanimité des membres présents, vota la motion suivante : Ce parlement déclare : « Toute proposition empiétant sur le contrôle direct du territoire de la baie Valfich par le parlement de cette colonie sera profondément ressentie par la population coloniale ; cette colonie est fortement opposée à toute modification des limites du territoire en question, fixées par M. P.-B. Wrey ; il est désirable que l’attention du gouvernement colonial soit appelée sur les droits de douane à percevoir à la baie Valfich ; cette chambre regrette que le gouvernement de ce pays n’ait pas été directement