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LE
COSAQUE

Depuis deux heures, la bataille était engagée. Dans cette journée d’automne, assombrie par le brouillard, Polonais et Musulmans s’étaient furieusement choqués les uns les autres et maintenant hommes et chevaux se confondaient sous les nuages de brume, de poussière et de fumée. Le piétinement et le hennissement des bêtes se mêlaient aux cris des combattans, au crépitement de la fusillade, au sonore cliquetis des lances et des épées.

En vain le général, debout sur une colline verte ayant auprès de lui l’étendard, deux évêques et quelques magnats, s’efforçait-il de suivre le combat. Le seul indice capable de le guider en quelque manière était l’éclair continu des batteries d’artillerie.

On ne voyait rien, du reste, sur toute l’étendue de la plaine, qu’une grande tache rouge incendiant de sa lueur le ciel fumeux, et çà et là un cheval sans maître ou un blessé. Les troupes s’étaient dispersées dans des combats isolés : ami et ennemi, Polonais, Cosaques, Turcs et Tartares, se confondaient, comme emportés eux aussi par la tempête qui souffle de l’Oural à travers la plaine sarmate et fait tourbillonner en sarabandes folles les feuilles mortes aux multiples colorations. Ce brouillard favorisait la résistance des Polonais ; sans ce voile, ils se fussent trop promptement aperçus qu’ils combattaient un contre dix. Les cris sauvages d’Allah