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conséquence devait être le retrait de toutes les précédentes. C’est ce dont le ministre Uhlfeldt le prévint, quand il vint demander une audience, en l’engageant à y renoncer parce qu’elle serait superflue. Il tint bon cependant et obtint qu’une heure lui fût indiquée pour le lendemain. Dans l’intervalle, il aurait désiré s’entretenir avec l’empereur, qu’en plusieurs circonstances il avait trouvé d’un abord plus facile que Marie-Thérèse ; mais François eut soin de partir et de rester en chasse toute la journée. Introduit au palais, Robinson remarqua qu’il n’était pas reçu dans la salle ordinairement réservée aux audiences, mais dans une galerie que la princesse devait traverser pour aller à la messe et où elle passait, accompagnée des gens de sa suite. — « Il n’est pas aisé, écrit-il à son ministre, de dire ce qui se passa alors. Vous m’avez rappelé vous-même que j’avais eu plusieurs fois à m’acquitter d’instructions d’une nature aussi délicate. C’est bien aussi le reproche qu’elle m’a fait. — C’est donc vous, m’a-t-elle dit, qui avez eu tant de part au sacrifice que j’ai fait de la Silésie, vous qui avez contribué plus que personne à amener les cessions conditionnelles que j’ai faites au roi de Sardaigne, c’est vous qu’on charge de me convaincre… Je ne suis ni un enfant, ni une sotte (neither a child, nor a fool). Les récits qu’on vous fait de l’état de la Hollande sont exagérés… On peut se défendre encore, il y a assez de force pour résister. Si vous voulez faire la paix tout de suite, eh bien ! faites-la, je verrai si je dois y adhérer : je puis aussi négocier pour moi-même, et pourquoi n’ai-je pas le droit de faire mes propres affaires ? Mes ennemis me font de meilleures conditions que mes amis ; au moins ils ne me refuseront pas une paix dont ils ont aussi besoin que moi uniquement pour un peu plus ou un peu moins de territoire à céder au roi de Sardaigne, ou pour l’interprétation d’un traité. Et qui vous dit que l’Espagne désire Parme et Plaisance ? Je sais qu’elle préfère la Savoie. Remettez-moi dans l’état où j’étais avant la guerre, et c’est moi qui ferai l’établissement de l’infant. Mais votre roi de Sardaigne ; il faut donc que tout soit pour lui ! .. Bon Dieu, comme cette cour nous a traités ! .. Et puis, il y a encore votre roi de Prusse : en vérité, tout ce qui se passe rouvre les anciennes blessures et en fait de nouvelles. — Ce ne sont là, milord, que des échantillons de ce qu’elle m’a dit : c’est mon devoir de rapporter ces propos tels qu’ils sont, et c’est bien assez en vérité sans que le besoin soit d’y rien ajouter. »

« Je lui ai répondu que je la suppliais de vouloir bien faire les plus mûres réflexions elle-même, de tenir conseil avec l’empereur, d’entendre ses ministres, et si j’osais le dire, je la conjurais de se laisser fléchir pour son salut, pour celui de sa famille, et enfin pour celui de toute l’Europe. »