Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/763

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Allemagne par celui de Dresde. On aurait pu se dispenser de le dire : deux articles spéciaux furent pourtant consacrés à donner une forme expresse à cette garantie. C’était frapper Marie-Thérèse du coup le plus rude aux deux points les plus sensibles. Saint-Séverin, qui ne l’ignorait pas, ne sentit pas trembler sa main en le lui infligeant, et malgré les assurances contraires qu’il venait de lui faire porter par Kaunitz, il ne paraît pas s’être fait beaucoup prier pour y consentir.

Enfin, par un article qui dut rester secret, il fut réglé que, si quelques-unes des puissances intéressées dans ces arrangemens y refusaient ou même faisaient attendre leur assentiment, l’Angleterre et la France procéderaient à l’exécution, sans plus tarder, sauf à ceux qui auraient tenu à rester en dehors à perdre le bénéfice des dispositions arrêtées en leur faveur.

Pour compléter et assurer ce succès d’une œuvre mystérieuse qui ressemblait plus à un complot qu’à une négociation, le mieux aurait été de signer tout de suite et de conclure ainsi l’affaire à deux et sans prévenir personne. Sandwich se refusa absolument à cette mesure précipitée, donnant pour motif qu’on lui avait enjoint de ne rien faire qui pût faire accuser l’Angleterre d’avoir trompé ou trahi ses alliés. Ce refus faillit même un instant tout compromettre, parce que Saint-Séverin, de son côté, reculait avec une inquiétude visible devant la nécessité de communiquer quoi que ce soit à l’Espagne à qui sa conscience devait lui reprocher d’avoir fait tort. Mais Sandwich, qui avait autant que lui envie d’en finir, ne se montra pas trop difficile sur la manière de lever son scrupule, car il consentit que le document rédigé et prêt à être souscrit fût présenté par chacun des contractans à l’adhésion de ses alliés, sauf en cas de refus à passer outre sans admettre ni changement, ni discussion[1].

Vingt-quatre heures furent réservées pour remplir cette formalité, dont, à vrai dire, l’exécution ne devait pas être agréable à faire. Avec le ministre de Hollande, à qui on dut s’adresser le premier, la difficulté, bien que réelle, ne fut pas des plus grandes, Bentink ayant l’instruction générale de ne pas se séparer de l’envoyé d’Angleterre. Le cas, pourtant, lui parut imprévu et extrême, et l’acte de subordination qu’on lui demandait bien considérable ; il aurait voulu obtenir un délai pour se munir d’une autorisation nouvelle. Saint-Séverin lui ferma la bouche en lui promettant de faire rendre par la France à la république toutes les faveurs

  1. Saint-Séverin à Puisieulx, 29 avril 1748. (Conférences de Bréda et d’Aix-la-Chapelle. — Ministère des affaires étrangères.) — Sandwich au duc de Newcastle, 28 avril 1748. (Treaty Papers. — Record office.) — La parole de Sandwich relative à l’exécution de la clause de Dunkerque est tirée d’une dépêche postérieure (du 4 mai).