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disposait seul soit de l’administration des établissemens, soit du sort des maîtres, et de placer les établissemens sous une autorité plus rapprochée et plus contrôlée, en assurant aux maîtres plus de fixité, d’indépendance et de dignité dans leur situation[1]. » De là tout d’abord la multiplicité des universités ; de là l’organisation de chacune d’elles, leur personnalité, leur indépendance : un recteur pour chef, puis un conseil composé, avec le recteur, de l’évêque et du préfet, des doyens des facultés, du proviseur du collège royal et de trois notables ; de là les attributions de ce conseil nommant sur présentation du recteur, proviseurs, censeurs et professeurs, percevant les revenus de l’Université, administrant ses biens, exerçant la discipline sur le personnel ; de là enfin, au lieu de la centralisation absolue qui faisait converger naguère toutes les tiges motrices de la machine vers la main du Grand-Maître, une large détente des attributions du pouvoir central qui ne conservait plus que le droit de nommer les recteurs, et celui d’assurer l’unité morale de l’enseignement par l’action de son Conseil royal, par la formation des maîtres à l’École normale et par les visites de ses inspecteurs généraux.

En même temps que la décentralisation administrative, on s’était proposé la décentralisation scientifique. Entre autres effets, la machine universitaire telle que l’avait montée Napoléon devait agir à la façon d’une pompe aspirante, appeler et retenir au centre presque toute la vie intellectuelle du pays. La preuve n’en était plus à faire ; l’insuccès à peu près absolu des facultés des départemens n’était que trop avéré. A Paris seulement l’enseignement supérieur avait réussi. Mieux valait, à coup sûr, pour le bien du pays, au lieu d’un seul foyer central, surchauffé aux dépens du reste, plusieurs foyers distincts, répartis sur tout le territoire, et rayonnant chacun sur une région. On espérait, avec les universités régionales, « créer hors de Paris, dans les départemens, de grands foyers d’études et d’activité intellectuelle. » Le corps des facultés n’eût pas à lui seul constitué l’Université tout entière ; mais il en eût été l’organe dominateur, et c’est par les facultés qu’on avait l’espoir de ranimer, de susciter dans les provinces la vie intellectuelle anémiée par la centralisation à outrance de l’Empire.

Que fût-il advenu de ces espérances ? On ne sait. Quelques jours après l’ordonnance du 17 février, Louis XVIII fuyait à Gand. Napoléon rentrait aux Tuileries : en deux traits de plume il rétablissait son Université à lui, et il lui rendait un Grand-Maître. Il faut donc juger théoriquement, et non par ses effets, cette réforme mort-née de 1815. Nul doute que, mise en pratique, elle n’eût

  1. Guizot, Mémoires, t. Ier, chap. II.